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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Transsibérien !
    Nathan Gutwirth évoque ce périple :
    « Figurez-vous que nous arrivons au Japon, après un voyage de trois semaines dans le Transsibérien, juste après Pearl Harbor, le 7 décembre 1941 : il y a là des missions militaires de la Wehrmacht qui préparent des projets avec leurs alliés de l’armée japonaise. Et ils voient débarquer, descendant des bateaux en provenance de Vladivostok, des milliers de Juifs venant des fins fonds de la Lituanie ! Ils ont dû croire qu’ils faisaient un cauchemar… »
     
    Quant aux Japonais, ils étaient pris de court. Bien sûr, ils ont démis de ses fonctions leur consul en Lituanie, Tempo Sugihara. En définitive, ils expédieront tous ces Juifs en Chine, à Shanghai, qu’ils contrôlent. C’est ainsi qu’il se créera un quartier juif à Shanghai, et que Nathan Gutwirth pourra devenir un « Juif de Shanghai ». Mais, auparavant, il y eut un autre épisode, un autre sauvetage :
    « Une fois au Japon, explique Nathan Gutwirth, nous avons été bien traités le temps que le gouvernement japonais sache quelle décision prendre à notre sujet. Des milliers d’entre nous avaient pu prendre pied sur le sol japonais sans problème – et, soudain, les derniers Juifs qui arrivaient ont été refoulés. Septante-deux devaient être rembarqués dans les trois jours sur le premier navire en partance pour Vladivostok ; ensuite, ils devaient refaire le trajet en sens inverse, et regagner la Lituanie. Quelle tragédie pour eux, quel désespoir !… Je suis allé voir le consul de Hollande au Japon, et je lui ai exposé la situation. Il m’a donné la centaine de formulaires officiels – avec en-tête du consulat – dont il disposait, et a emporté chez lui le sceau indispensable pour les authentifier. Nous avons rempli les formulaires, et je les lui ai rapportés. Il les a tamponnés et signés. Tous les Juifs du bateau de Vladivostok ont pu être sauvés, ainsi que quelques autres.
    — Après cela, que vous est-il arrivé ? Vous n’êtes pas resté à Shanghai longtemps, je crois ? En fait, avez-vous pu rejoindre Curaçao ?
    — Jamais !… Je suis parti en Indonésie parce que j’avais un cousin qui y habitait déjà. J’ai travaillé là-bas, dans le bureau de ce cousin. Et puis les Américains sont entrés en guerre contre les Japonais. Je me suis retrouvé dans l’armée, et j’ai été fait prisonnier. C’était très dur. J’ai été envoyé dans beaucoup de camps différents : à Java, à Flores, et sur d’autres îles. À la fin, pour la libération de l’île, nous tous, les prisonniers, avons eu très peur d’être anéantis au cours des combats qui ont eu lieu entre les Alliés et les Japonais. Mais nous avons été libérés sans qu’il y ait eu de la casse.
    — Dites-moi, monsieur Nathan Gutwirth, avez-vous conscience du caractère paradoxal de votre aventure ? Vous avez été sauvé par un consul japonais, et vous avez pu faire intervenir, au Japon, un consul hollandais !
    — C’est paradoxal, oui. Et tout cela, grâce à des documents plus ou moins licites, plus ou moins falsifiés – mais surtout grâce à la décision de Tempo Sugihara qui, dès le début, a pris l’initiative courageuse de désobéir à son propre gouvernement ! Les Juifs qu’il a sauvés sont les seuls de tous ceux qui étaient en Lituanie à avoir survécu : quatre-vingt-dix pour cent de la population juive de ce pays a été massacrée par les nazis entre 1941 et 1944. Oui, il vaut mieux avoir pu en partir… »
     
    L’odyssée de Nathan Gutwirth n’allait pas rester sans suite quant à mon enquête. À Amsterdam, j’ai appris qu’il y avait encore quelques Juifs en Lituanie. J’ai donc décidé de m’y rendre. J’ignorais qu’une surprise m’y attendait et que, après avoir rencontré le « Juif de Shanghai », j’allais avoir affaire au « Japonais de Vilnius », dont on honorait la mémoire. Je ne me doutais pas non plus que j’allais ensuite, en Belgique, où il est diamantaire, rencontrer le fils de ce Juste – qui, lui, est en quelque sorte le « Japonais de Jérusalem ».

28.
    Dans ma famille, jadis, qui eût cru qu’un jour j’irais à Vilnius ? Les Juifs, chassés d’Europe occidentale par les croisades, s’y sont installés dès le XII e siècle. En 1658, Vilnius compte douze mille habitants, dont trois mille Juifs. Combien de récits aurai-je entendus, encore enfant, sur Vilnius et son génie, le

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