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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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(l’Ecclésiaste, IX , 19). L’idée est simple : nous sommes tous dans la même barque, et si l’un de nous, un seul, y fait un trou, nous risquons tous de périr. La collectivité dépend de chacun et chacun de la collectivité. Lorsque j’écris qu’un homme, en faisant du bien, peut sauver toute l’humanité, il ne s’agit pas du sauvetage des corps mais d’une certaine idée de l’homme et de l’humanité : celle qui permet d’espérer. Et le fait d’espérer nous donne une raison de vivre.
    Primo Levi en fournit l’exemple dans Si c’est un homme . À propos d’un individu qui partageait avec lui, dans un camp de la mort, sa maigre ration de soupe, il écrit :
    « [C’est à lui] que je dois d’être encore vivant aujourd’hui, non pas tant pour son aide matérielle que pour m’avoir constamment rappelé, par sa présence, par sa façon si simple et si facile d’être bon, qu’il existait encore, en dehors du nôtre, un monde juste, des êtres et des choses encore purs et intègres que ni la corruption ni la barbarie n’avaient contaminés, qui étaient demeurés étrangers à la haine et à la peur ; quelque chose d’indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté, pour laquelle il valait la peine de se conserver vivant. »
    Les récits des Justes, parmi lesquels les Danois sont nombreux, nous transmettent ce quelque chose d’indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté , pour laquelle on a encore envie de souffrir, d’espérer, de vivre.
     
    « Quand je repense à ces années, souligne Jorgen Kieler, je les trouve très inspirantes et pleines de défis. Il fallait trouver la ligne de partage entre le Bien et le Mal, savoir où étaient les amis et les ennemis. Je sais : nous ne pouvons pas oublier les persécutions, l’extermination ni Auschwitz… Nous ne pouvons pas ignorer cela. Mais il nous faut découvrir, même s’il est infime, le versant positif de ces années : dans ce déferlement de massacres, il y a eu, justement, le courage du peuple danois qui a su, lui, sauver de la mort sept mille compatriotes juifs. Le positif, dans de tels moments, c’est lorsque quelqu’un prend le risque de se sacrifier pour que d’autres puissent vivre. »
    Il se tait quelques instants, l’air songeur. Puis il ajoute ceci, qui laisse à penser quant aux secrètes ressources du Bien, capable de se manifester jusque dans l’antre même de la bête immonde  :
    « Les Juifs ont eu leurs sauveteurs, mais nous aussi nous avons eu les nôtres. Vous savez, j’ai moi-même été sauvé à plusieurs reprises par des Allemands. Après une grève générale à Copenhague, j’ai été arrêté avec toute ma famille, et nous devions être fusillés. Nous avons échappé au peloton d’exécution grâce à un agent de la Gestapo ! Plus tard (on nous avait envoyés dans un camp), j’ai été à nouveau sauvé, par un médecin SS cette fois : j’avais été roué de coups et lapidé (oui, avec des pierres !) en compagnie d’un ami parce que nous n’avions pas fourni assez de travail pour le camp. Cet ami en est mort. Le médecin qui m’a récupéré en très piteux état m’a non seulement soigné, mais, apprenant que j’étais étudiant en médecine et que mon père était médecin, a ordonné que je travaille désormais à ses côtés, ce qui m’a sauvé la vie. Une espèce de solidarité professionnelle… Entre médecins, on se protège. Il y avait d’ailleurs dans ce camp de Portovesfelica un autre médecin, français celui-là, un détenu comme moi, dont je peux dire qu’il m’a lui aussi sauvé la vie. Vous voyez : il y a toujours plus de sauveteurs qu’on ne croit !»
     
    Peut-être, oui. Mais, compte tenu de leur extrême rareté, ils semblent chaque fois participer du miracle. Au Danemark, en revanche, c’est le nombre même des Justes qui constitue un miracle.
    Miracle ? « Non, il fallait avoir de la volonté », dit Henny Sundoe. Et, comme la Polonaise Iréna Sendler, elle insiste : « Mais il fallait vouloir, vouloir  !» Alors, pourquoi certains – et pas certains autres – ont-ils bien voulu  ?
    Je me rends compte que je me pose sans cesse la même question sous des angles différents. Tant que je n’aurai pas trouvé de réponse rationnelle à cette question, le mot « miraculeux » risque de réapparaître sous ma plume. Peut-être parce que «  le miracle n’arrive qu’aux miraculeux, et non aux mathématiciens

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