La force du bien
Églises ont réussi à faire reculer Hitler sur l’un de ses objectifs : l’extermination des malades mentaux. À cet égard, les recherches récentes effectuées dans les archives de la Gestapo montrent que le régime nazi craignait davantage les activités des Églises que celles du Parti communiste.
J’ai déjà parlé, à l’occasion de ma rencontre avec le baron Loewenstein de Witt, de l’action collective allemande en faveur des couples mixtes et de leurs enfants que la Gestapo, en février 1943, avait internés au 2-4 de la Rosenstrasse à Berlin pour les déporter. Grâce aux manifestations de rues organisées, plus d’une semaine durant, par les familles de ces couples mixtes, Goebbels a été obligé de les libérer. Le 5 mars 1943, il note lui-même dans son journal : « L’action engagée par la Gestapo contre les épouses et maris juifs a dû être interrompue en raison de la protestation qu’elle a suscitée. »
Un autre exemple d’action collective est la Bulgarie. Devant la pression de l’opinion publique et de l’Église orthodoxe, et malgré l’alliance qui liait le pays à l’Axe, le roi Boris a dû interrompre la déportation des Juifs. Et, fait unique dans l’histoire de l’Europe occupée, le gouvernement bulgare, le 25 août 1944, abolit tous les textes antisémites du pays.
Même en France, quand, émues par la grande rafle du Vél’ d’hiv’, des personnalités ecclésiastiques, derrière le cardinal Garlier et le pasteur Boegner, commencent enfin à protester publiquement contre les déportations, le nombre de celles-ci ralentit. En outre, Laval est obligé d’expliquer à ses amis nazis qu’en raison des difficultés intervenues il lui sera désormais difficile de fournir à l’Allemagne des contingents réguliers de Juifs pour la déportation. Le fait est que les deux généraux allemands responsables du problème, Hohberg et Knochen, se rangent à cet avis !
Mais pendant que les uns massacraient et que d’autres, très peu nombreux, il est vrai, tentaient de sauver des vies, que faisait donc le monde ?
35.
Oui, que faisait le monde pendant que l’on massacrait les Juifs ? Cette obsédante question taraude ma pensée chaque fois que je manifeste ma solidarité avec des persécutés. Je ne cherche pas la réciprocité – donner à ceux qui nous ont donné. Non, je désire comprendre : pourquoi la mort des enfants rwandais nous est-elle aujourd’hui insupportable, quand, hier encore, la mort des enfants juifs laissait l’opinion mondiale indifférente ?
Que faisait le monde ? Cette interrogation ne s’adresse pas à ceux qui se trouvaient sur place à l’époque, à l’ombre des camps de concentration, à nos voisins, à nos compatriotes. Parmi eux, j’ai rencontré des femmes et des hommes qui ont ouvert en grand leur porte aux persécutés. Nous nous souvenons de cette Hollandaise, Henriette Kroon. À la question : « Quand avez-vous décidé de sauver des Juifs ?» elle répond : « Je n’ai rien décidé. Un homme a frappé à ma porte. Il a dit qu’il était en danger. Je lui ai dit de rester, et il est resté jusqu’à la fin de la guerre. Il était le premier. »
Henriette Kroon est une Juste.
Ici, lorsque je demande ce que faisait le monde pendant que l’on massacrait les Juifs, je pense aux peuples qui se trouvaient loin de l’Europe, aussi loin que nous le sommes aujourd’hui de la Somalie ou du Rwanda. Oui, pour continuer la bataille que je mène avec d’autres depuis si longtemps pour le respect des droits de l’homme, j’ai besoin de comprendre comment se sont comportés les gens aux États-Unis, en Australie, en Amérique latine, en Orient et en Asie – partout où ils étaient encore libres de réagir aux échos des cris des suppliciés. Comment ont-ils réagi face à ces milliers de Juifs allemands qui, dès avant la guerre, fuyaient le régime nazi en errant sur les mers à bord d’embarcations diverses ?
Pour les besoins de mon film, Tzedek , je me suis fait projeter des documents : des kilomètres de bobines d’actualités de l’époque, en provenance de ces différents pays. De ces séances, je suis ressorti consterné, atterré. Rappelons l’atmosphère et quelques faits.
Le 9 novembre 1938, en Allemagne, c’est la « Nuit de cristal » : des centaines de synagogues détruites, des bibliothèques brûlées, vingt-cinq mille Juifs déportés dans les camps de concentration de Dachau, Buchenwald
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