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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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bleu lorsqu’elle rit. Elle parle un excellent français, avec un accent américain qui roule sur lui-même. Vivacité de l’oeil, arrondi de la joue – Mary Jane Gold raconte avec conviction, d’une voix grave, enracinée dans la mémoire qu’elle fait remonter au jour ; çà et là, une pointe d’humour vient émailler son récit.
    Mais ces choses de l’actualité de l’époque, dont parle Mary Jane Gold, quelles sont-elles ?
    Avec l’Occupation, les Juifs des différents pays concernés doivent fuir (ou, pour certains, fuir à nouveau) au gré des circonstances, dans toutes les directions encore praticables. Mais le monde n’est pas si vaste, et les refuges que les fuyards vont trouver deviennent à leur tour des culs-de-sac, comme en Lituanie, où des réfugiés de Pologne, de Tchécoslovaquie et même de Hollande sont pris en tenaille entre l’Armée rouge et l’avancée des nazis.
    De leur côté, les Juifs allemands, belges et autrichiens, qui, dans un premier temps, ont pu se réfugier en France, se voient désormais contraints par l’Occupation de fuir vers le sud en compagnie des Juifs français : très vite, ils gagneront le Midi… pour s’y retrouver bloqués, dos à la mer.
    À Marseille, qui compte alors quinze mille habitants juifs, ceux qui arrivent par milliers viennent s’entasser dans de petits hôtels crasseux. Parmi eux, l’élite européenne : Marc Chagall, Max Ernst, les fils de Thomas Mann, Anna Mahler (qui se déplace avec, dans son sac, la dernière symphonie écrite de Bruckner), Franz Werfel, Arthur Koestler, Hannah Arendt, Anna Seghers, Lion Feuchtwanger – sans parler de tous ceux qui logent à l’hôtel Terminus et d’autres, qui viennent à la villa rendre visite à leurs amis en danger : André Gide, André Breton et les surréalistes… Toute une civilisation en détresse ! Tous attendent, le plus souvent sans argent et dans l’indifférence générale, de pouvoir prendre place à bord de bateaux hypothétiques.
    Les organisations non gouvernementales, telles que nous les connaissons aujourd’hui, n’existaient pas encore. Il n’existait en Amérique aucun cadre dans lequel un homme de Bien aurait pu agir en faveur de ces persécutés. Un groupe d’universitaires crée alors l’Emergency Rescue Committee.
    Ce groupe rassemble de l’argent (quelques milliers de dollars) à destination des réfugiés mais ne trouve tout d’abord aucun volontaire pour se rendre à Marseille. Il s’en lève un, enfin. Il est jeune, de confession protestante, il connaît l’Allemagne nazie, qu’il a visitée en 1935 et dont il est reparti horrifié : il s’appelle Varian Fry. C’est lui qui portera l’aide et organisera les départs pour l’Amérique. C’est lui, aussi, qui saura constituer l’indispensable réseau sans lequel une opération de cette envergure ne pouvait être menée à bien.
    Varian Fry, cet autre Juste venu d’ailleurs, venu d’Amérique pour sauver, à partir de Marseille, des Juifs et des antifascistes de France et de partout, ne méritait-il pas d’être de ceux que je devais interroger ? Il n’est, hélas, plus de ce monde, mais ses amis, les membres de son réseau, de cette illustre et discrète filière marseillaise , sont, pour nombre d’entre eux, toujours bien présents parmi nous.
    « Vous savez, me dit Mary Jane Gold, Varian avait fait des études classiques à Harvard. Il n’était à première vue pas fait pour cette mission. Mais, enfin, cette organisation s’était créée en Amérique, et il fallait porter cet argent à Marseille. Varian était un libéral, c’est-à-dire, en Amérique, un type plutôt de gauche. Il le disait en riant : “ On aurait pu trouver mieux que moi pour faire ce travail-là, mais puisque, semble-t-il, on n’a pas trouvé, eh bien, je suis venu ici, à Marseille ! ” Il est arrivé avec trente mille dollars, je crois, et une liste de cent personnes à sauver : des antifascistes, des Juifs, dont nombre d’artistes et d’intellectuels connus qui avaient trouvé asile en France jusque-là, et qu’il fallait aider à faire venir aux États-Unis… Pourquoi il a fait cela ? Par conviction, par antinazisme. Il m’a raconté quelque chose, un jour, qui explique son dégoût des hitlériens. Il était allé en Allemagne en 1935. Dans un café, près de lui, il y avait un type qui avait l’air juif. Deux nazis sont arrivés, des SS ou des SA, je ne me souviens plus. Le Juif, le supposé

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