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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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famille Hardaga pendant toutes ces années ?
    — Oui, bien sûr. Mais, au fil du temps, le contact s’était affaibli. Cependant, dès que les autorités yougoslaves l’ont permis, mon frère est allé leur rendre visite à Sarajevo.
    — Et aussi depuis la guerre civile ?…
    — Oui. Dès que j’ai appris les événements et que j’ai vu à la télévision les premiers morts dans les rues de Sarajevo, j’ai téléphoné à Zaneiba Hardaga, et je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour l’aider. Elle m’a raconté l’horreur de cette guerre, et m’a suppliée d’aider sa petite-fille Amra et ses deux enfants à quitter Sarajevo. Alors, je les ai fait venir en Israël. Ce n’était pas très compliqué…. Il a fallu obtenir des visas et de l’argent pour le voyage. J’ai tout organisé en une journée : les billets d’avion, les visas, tout. Toute seule, très vite.
    — Pourquoi, Tova, avez-vous fait tout cela ?
    — Je ne sais pas ; ça allait de soi. Elles étaient en difficulté. Il était donc naturel de les aider. Je n’ai pas réfléchi bien longtemps… Je crois que je n’avais pas le choix. Je ne pouvais tout de même pas les laisser là-bas, sous les bombes ! Comment aurais-je pu, plus tard, me regarder dans une glace ?»
    Je m’adresse à Amra Hardaga :
    « Amra, était-il naturel que Tova vous accueille chez elle avec vos deux enfants, ici, en Israël, comme si vous étiez de la famille ?»
    Amra Hardaga tourne les yeux vers Tova.
    « Tova est plus que la famille… Elle était la meilleure amie de ma mère. Sans elle… »
    Amra, dont la chevelure brune flotte autour du visage à mesure qu’elle s’anime, met beaucoup de chaleur et de tendresse dans ses propos. Ses mains parlent en même temps qu’elle, et il est clair qu’elle déborde d’affection et de reconnaissance pour Tova.
    « Vous savez, enchaîne-t-elle, pour moi, il y a deux sortes d’hommes : ceux qui font preuve d’humanité, et les autres. Je crois que l’amitié est une chose sacrée, la plus belle chose de la vie. On aime sa famille d’un amour naturel ; les amis, c’est plus fort. Nous avons grandi avec l’idée que nous avions des amis en Israël, et quand notre amie Tova a décidé de nous accueillir, j’ai reconnu l’image que je me faisais de la famille Kabilio dans toute sa bonté. C’était de sa part une réaction si spontanée, si humaine ! Si la situation avait été inverse, j’aurais accueilli Tova à Sarajevo. Dieu veuille qu’il n’y ait plus de guerre ! Mais, si tout recommençait, je l’accueillerais sans hésiter. C’est humain, normal. Une fois ici, à ma plus grande joie, j’ai vu se confirmer l’image que j’avais de Tova. Elle nous a beaucoup aidés. Je ne sais pas comment je pourrai le lui rendre… »
    Tova Grinberg l’interrompt :
    « Je n’ai rien fait de spécial !»
    Et Amra :
    « Mais si ! Mais si !»
    Tova rougit. Elle est gênée. Elle se penche vers Amra et lui saisit doucement le bras, pour qu’elle en finisse avec ces louanges qui l’embarrassent. Leurs regards se croisent, brouillés de larmes.

42.
    Depuis ma discussion avec Tova Grinberg-Kabilio et Amra Hardaga, je ne peux m’empêcher de méditer sur cette histoire peu banale d’une Juive sauvée il y a cinquante ans par une musulmane et qui, un demi-siècle plus tard, sauve la famille de cette même musulmane. J’aurais pu continuer à y réfléchir – tant cet échange de générosité, tant ce bien partagé ont quelque chose de rare et de précieux – si un coup de fil impromptu ne m’avait rappelé à l’urgence de mon enquête, de cette recherche des Justes que je n’ai pas encore terminée, dont je ne sais quand elle prendra fin. Au téléphone, c’est le président de la communauté juive d’Istanbul qui me parle : il m’invite aux festivités marquant le cinq centième anniversaire de l’arrivée des Juifs en Turquie.
    Istanbul : voici encore une ville qui m’a fait rêver… À l’époque où elle s’appelait encore Constantinople, à la fin du XV e siècle, elle a reçu et intégré les Juifs qui fuyaient l’inquisition régnant en Espagne et au Portugal. Cette cité musulmane a même accueilli mon ancêtre, l’imprimeur juif Abbakhou, et son fils Abraham rescapés du grand incendie de Salonique. Et avant lui son père Méchoulam, dont la tombe se trouve au cimetière d’Egri Capou, par-delà la porte Kalligaria. Du moins se trouvait-elle là

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