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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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qu’il a fait passer pour des Turcs, qu’il a, en quelque sorte, transformés en Turcs !»
     
    Ce dernier point, ce sauvetage supplémentaire, Selahattin Ulkumen n’avait pas jugé utile d’en faire mention lors de notre entretien. Merveilleuse discrétion des Justes, une fois mené à bien leur souci du Bien !
     
    Il convient toutefois de s’interroger sur la situation de la Turquie durant la Seconde Guerre mondiale. Cette situation de neutralité, et, surtout, les traditions et la Constitution de ce pays, dépourvue de mesures discriminatoires à l’encontre des Juifs, auront permis l’intervention décisive de Selahattin Ulkumen. Quelle était donc la place réservée à ceux-ci dans la société turque ?

43.
    «  Pharaon chercha à tuer Moïse. Moïse s’enfuit au loin ; il se rendit au pays de Madian et s’assit auprès d’un puits…  » On pourrait librement transposer en Turquie ce « pays de Madian » ainsi évoqué dans l’Exode ( II , 15). Mais on sait que la première rencontre entre les Turcs et les Juifs remonte en fait aux débuts de l’Empire ottoman : cette dernière donnée historique atteste la réelle ancienneté de l’intégration juive en Turquie. N’est-il pas symptomatique que la première synagogue édifiée dans ce pays l’ait été en 1324, tandis que la première mosquée date de… 1325, un an plus tard !
    À Istanbul, au milieu du XVI e siècle, une importante communauté juive composée de ces Juifs byzantins et, surtout, des Juifs expulsés depuis peu (1492-1494) d’Espagne et du Portugal était déjà florissante. Quatre siècles plus tard, à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, ils sont quatre-vingt-quatre mille en Turquie, dont cinquante mille pour la seule capitale.
    En fait, du point de vue turc, les Juifs font partie de la Turquie depuis toujours. À Istanbul, je rencontre deux de ces Juifs turcs : Nedim Yahya et Harry Djalvo. Nous discuterons à bâtons rompus de cette question qu’ils connaissent bien. Pour eux, l’attitude des officiels turcs – et en particulier de ces diplomates qui se sont portés au secours des Juifs turcs durant la Seconde Guerre mondiale – n’est pas très surprenante : elle correspond aux traditions de ce pays.
    « Tout de même, dis-je à Harry Djalvo, la neutralité de la Turquie pendant la guerre était une neutralité plutôt bienveillante à l’égard de l’Allemagne, une neutralité “ proallemande ”, non ? Alors pourquoi ces officiels turcs se sont-ils risqués à contrecarrer ouvertement les nazis sur la question juive ?
    — Pour les raisons mêmes que nous venons d’évoquer : les Turcs, au cours de l’histoire, ont toujours apprécié l’apport des Juifs, et n’ont jamais entretenu d’a priori ségrégationniste à leur encontre. La neutralité envers Hitler ne reposait pas sur la moindre sympathie pour ses thèses racistes. Il n’y a jamais eu d’ambiguïté là-dessus.
    — Vous connaissez l’histoire de Raoul Wallenberg, ce diplomate suédois qui inventait des passeports suédois pour les Juifs, pour pouvoir les sauver ? poursuit, par cette autre question, Nedim Yahya. Eh bien, les officiels turcs ont fait encore autre chose. Parmi les Juifs qui venaient les trouver dans leurs ambassades, dans leurs consulats, certains disaient : “ Mon oncle Moïse, jadis, a vécu à Istanbul ”, ou : “ Mon grand-père Isaïe et mon arrière-grand-père étaient citoyens de l’Empire ottoman. ” Alors les officiels turcs ont eu l’idée géniale d’inventer un document : la demande de naturalisation . Tout Juif qui le désirait pouvait ainsi, sur la base d’une parenté turque non prouvée, accéder à la citoyenneté turque, et, avec cette simple demande de naturalisation en poche, il se voyait protégé des rafles allemandes. Un grand nombre de Juifs ont pu se mettre à l’abri, et être sauvés, grâce à ce fameux papier. Donc, ces diplomates n’ont pas agi pour sauver leurs seuls ressortissants (les Juifs de Turquie), mais tous les Juifs (y compris, donc, les non-Turcs) qui pouvaient avoir accès à une ambassade ou à un consulat turcs : il suffisait à ceux-ci de remplir cette demande de naturalisation pour devenir citoyens de ce pays. »
    Je reste songeur. Je m’explique mieux, par la même occasion, de quelle manière Selahattin Ulkumen a pu, outre les quarante-deux Juifs turcs de Rhodes qu’il a soustraits à la déportation, sauver en même temps vingt-cinq

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