La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
condescendant. Peut-être qu'il sait mieux pour la plupart de ses patients, mais pas pour moi. Je ne peux pas continuer comme ça. Le temps que Gudhausen se décide pour l'hypnose-ça peut lui prendre un an-, je ne serai plus assez saine d'esprit pour en tirer profit.
-Vous devez cependant bien comprendre que je ne peux pas prendre la responsabilité...
- Attendez, l'interrompit-elle en posant son cognac.
J'avais prévu cet argument. ª Elle ouvrit son sac, en retira une feuille pliée avec un texte tapé à la machine et le lui tendit. ´ Tenez. Regardez cela. ª
Il prit le papier. Pablo avait beau avoir un demi-siècle de plus qu'elle, ses mains tremblaient beaucoup moins. ´ qu'est-ce que c'est ?
-Une décharge signée. J'explique que je suis venue vous consulter comme un ultime recours, et je vous absous d'avance pour tout ce qui pourrait aller de travers. ª
Il ne prit pas la peine de lire le document. ´ Vous ne comprenez pas, ma chère jeune dame. Il ne m'importe guère d'être poursuivi en justice. Etant donné mon ‚ge et le train d'escargot de la procédure, j'ai des chances de ne pas vivre assez vieux pour voir la conclusion du procès. Mais l'esprit est un mécanisme délicat, et si quelque chose allait de travers, si j'étais la cause d'une dépression nerveuse, j'irais sans aucun doute rôtir en enfer.
-Si vous ne m'aidez pas, s'il faut que je fasse des mois et des mois de thérapie, incertaine pour l'avenir, je ferai tout de même une dépression (le désespoir fit monter sa voix d'un ton, trahissant sa colère et sa frustration). Si vous me renvoyez, si vous me laissez aux soins bien intentionnés de mes amis, si vous m'aban-donnez à Gudhausen, je suis finie. Je vous le jure, je suis fichue. «a ne peut pas continuer ainsi! Si vous refusez de m'aider, vous serez tout autant responsable de ma dépression nerveuse, puisque vous auriez pu l'empêcher.
- Je suis désolé.
- Je vous en supplie !
- Impossible.
- Espèce de monstre sans coeur ! ª éclata-t-elle, suffoquée elle-même d'entendre sortir cette accusation de sa bouche. L'expression blessée du visage bonhomme et ridé du vieillard l'atteignit et lui fit honte. Óh, je suis désolée... absolument désolée! ª Elle porta les mains à la figure, se pencha en avant et se mit à
pleurer.
Il s'approcha et se pencha sur elle. ´ Je vous en prie, docteur Weiss, ne pleurez pas. Ne désespérez pas. Les choses vont s'arranger.
- Non, elles ne s'arrangeront jamais. Ce ne sera plus jamais comme avant. ª
Il détacha doucement ses mains de son visage puis mit l'une des siennes sous son menton et lui releva la tête jusqu'à ce qu'elle le regard‚t dans les yeux. Il sourit, cligna d'un oeil, et agita son autre main pour lui montrer qu'elle était vide. Puis, à sa surprise, il retira une pièce de monnaie de son oreille droite.
Ńe dites plus rien, maintenant, dit alors Pablo Jackson. Vous m'avez convaincu. Et je n'ai certainement pas une ‚me de boue, je puis être généreux. Des larmes de femme peuvent remuer ciel et terre. Je maintiens que c'est une erreur, mais je ferai ce que je pourrai. ª
Au lieu de mettre un terme à ses larmes, son offre de l'aider la fit pleurer à sanglots redoublés-mais de gratitude, cette fois.
´... vous êtes dans un sommeil profond, profond profond, parfaitement détendue, et vous allez répondre à mes questions, à toutes mes questions.
-Oui.
-Vous ne pouvez refuser de répondre, vous ne pouvez pas refuser... ª
Pablo avait tiré les doubles rideaux devant la fenêtre et éteint toutes les lampes à l'exception de celle placée à côté du fauteuil de Ginger Weiss.
Il se tenait debout devant elle, le regard fixé sur son visage. Elle avait une beauté fragile, une féminité
exquise, et cependant son visage dégageait une impression de force presque masculine. Le juste milieu-l'équilibre parfait, le nombre d'or-s'illustrait admirablement dans son maintien, beauté et caractère y tenant une part égale.
Ses yeux, qu'elle tenait fermés, ne se déplaçaient qu'à peine sous les paupières, indication de la profondeur de sa transe hypnotique.
Pablo regagna son propre fauteuil, croisa les jambes. ´ Ginger, pourquoi avez-vous eu peur des gants noirs ?
- Je n'en sais rien.
-Pourquoi avez-vous eu peur de l'ophtalmoscope ?
-Je n'en sais rien.
- Pourquoi avez-vous eu peur de l'évier ?
-Je n'en sais rien.
-Connaissiez-vous l'homme à la moto ?
- Non.
- Dans ce cas, pourquoi avez-vous eu
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