La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
Crépuscule à Babylone et s'intéressa aux autres lettres. Il y avait entre autres choses une enveloppe toute blanche sans mention d'expéditeur. Elle ne contenait qu'une seule page, avec deux phrases tapées à la machine: Le somnambule serait bien avisé de rechercher dans le passé la source de ses problèmes. C'est là que réside le secret.
Il relut les deux phrases, abasourdi. La feuille de papier se froissa dans sa main quand un picotement désagréable s'éveilla dans sa nuque.
Boston, Massachusetts
Ginger descendit du taxi et se retrouva devant un immeuble de six étages de style néogothique. Le vent lui cinglait le visage et les arbres dénudés de Newbury Street agitaient leurs branches dans un bruit d'ossements. Elle longea une grille de fer forgé et pénétra au 127, o˘ s'était jadis dressé l'hôtel Agassiz, un des plus beaux sites historiques de la ville aujourd'hui transformé en immeuble d'habitation. Elle rendait visite à Pablo Jackson, un homme dont elle ne savait que ce qu'elle avait lu la veille dans le Boston Globe.
Elle avait quitté Baywatch peu après le départ de George pour l'hôpital et celui de Rita pour les boutiques; elle craignait en effet qu'ils ne cherchent à la retenir. Ginger leur avait laissé un mot afin de leur expliquer son geste.
Ginger fut surprise quand Pablo Jackson ouvrit la porte. Pas parce qu'il était noir et octogénaire-cela, elle l'avait appris gr‚ce à l'article du Globe. Non, elle fut surprise de le voir si solide, si massif. Il mesurait plus d'un mètre soixante-dix et l'‚ge n'avait pas vraiment eu d'effet sur lui. Il se tenait très droit, comme au garde-à-vous, et était vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir aux plis impeccables. Ses cheveux, encore très épais, étaient devenus si blancs qu'ils semblaient irradier une lumière irréelle. D'un pas de jeune homme, il précéda Ginger jusqu'au salon.
Le séjour fut une surprise, également; il n'était pas ce qu'elle aurait attendu d'un vieux monument aussi vénérable que l'hôtel Agassiz ou de Pablo Jackson, un célibataire ‚gé. Murs couleur crème, canapés modernes et sièges assortis- un tapis Edwards Fields de la même nuance crème rompait la monotonie de l'ensemble par son motif de vagues en mouvement. Des coussins dans des tons de bleu, jaune, pêche et vert pastel apportaient une note colorée, ainsi que deux grandes peintures à l'huile, dont une était de Picasso. Le résultat était un intérieur moderne, aéré, lumineux et chaud.
Elle prit place dans l'un des deux fauteuils installés de part et d'autre d'une table basse, devant la fenêtre.
Elle refusa le café qu'il lui proposa et attaqua sans préambule: ´ Monsieur Jackson, je crains d'être venue ici sous un faux prétexte.
-Voilà un début intéressant ª, dit-il. Il croisa les jambes et posa bien à plat les mains sur les bras du fauteuil.
´ Je ne suis pas journaliste, reprit-elle.
- Vous n'êtes pas envoyée par People ? Je m'en doutais. Je l'ai su dès que je vous ai vue. De nos jours les journalistes suintent une sorte d'onctuosité huileuse et forment une engeance pleine d'arrogance. Dès que je vous ai vue à ma porte, je me suis dit: "Pablo, cette petite n'est pas une journaliste. C'est une personne véritable. "
-J'ai besoin d'aide et vous seul pouvez m'en apporter.
-Une demoiselle en détresse ? ª dit-il, amusé. Il n'avait l'air ni furieux ni gêné-c'était pourtant ce à quoi elle s'était attendue.
´ J'avais peur que vous refusiez de me recevoir si je vous avouais mes véritables raisons. Voyez-vous, je suis chirurgien au Memorial Hospital et j'ai su que vous pourriez m'aider dès que j'ai lu l'article du Globe vous concernant.
-Je serais ravi de vous aider même si vous n'étiez que simple vendeuse. Un vieil homme comme moi ne peut pas se permettre de repousser qui que ce soit...
à moins de préférer parler aux murs. ª
Ginger apprécia les efforts qu'il déployait pour la mettre à l'aise, bien qu'elle le soupçonn‚t d'avoir une vie sociale plus riche que la sienne propre.
Ét puis, même un vieux fossile comme moi ne voudrait pas évincer une jolie fille. Mais dites-moi à présent quelle sorte d'aide je suis le seul à pouvoir vous apporter.
-Je dois d'abord savoir si tout ce qui est écrit dans l'article est exact.
- Aussi exact qu'un reportage peut l'être, fit-il en haussant les épaules. Mes parents vivaient expatriés en France, ma mère chantant dans les
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