La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
la guérison d'Emmeline Halbourg. Ils étaient euphori-ques et Stefan garda pour lui la possibilité que la guérison d'Emmy f˚t due à une force bien plus mystérieuse que la médecine moderne.
Milwaukee, Wisconsin
La journée de NoÎl passée en compagnie de Frank, de Lucy et des petits-enfants fut extrêmement agréable et eut un véritable effet thérapeutique sur Ernie et Faye Block. Ils ne s'étaient pas sentis aussi bien depuis plusieurs mois et, en fin d'après-midi, ils firent un tour, rien qu'eux deux.
Le temps était idéal, froid, sec, sans un souffle de vent. Bien protégés par leurs manteaux, Ernie et Faye marchaient bras dessus bras dessous en discutant des événements de la journée.
Dès leur arrivée à Milwaukee le 15 décembre dernier, dix jours plus tôt, Faye avait eu des raisons d'espérer que la situation s'améliorerait. Ernie semblait aller mieux-une démarche plus rapide un sourire plus franc. L'amour de sa fille, de son gendre et de ses petits-enfants suffisait à faire reculer la peur.
Les séances de thérapie avec le Dr Fontelaine, six jusqu'à aujourd'hui, avaient également été très bénéfiques. Ernie avait encore peur du noir, mais bien moins qu'à leur départ du Nevada. Les phobies étaient, selon le médecin, faciles à traiter en comparaison de nombreux autres désordres psychiatriques. Ces dernières années, les thérapeutes avaient découvert que, dans la plupart des cas, les symptômes étaient eux-mêmes la maladie, plutôt que l'ombre projetée sur l'inconscient du patient par des conflits non résolus. Il n'était donc plus nécessaire - ni même possible, voire désirable-de rechercher les causes psychologiques de la maladie afin de la traiter. Les traitements au long cours avaient été abandonnés en faveur de l'enseignement aux patients de techniques de désensibilisation susceptibles de faire disparaître les symptômes en quelques mois, pour ne pas dire quelques semaines.
Un tiers environ de toutes les personnes atteintes de phobies ne pouvaient bénéficier de ces méthodes et avaient besoin de traitements très longs ou de substances médicamenteuses inhibant la panique telles que l'alprazolam. L'état d'Ernie s'était amélioré si rapidement que le Dr Fontelaine, pourtant optimiste par nature, trouvait cela étonnant.
Faye avait beaucoup lu sur les phobies et découvert qu'elle pouvait aider Ernie en lui racontant des anecdotes amusantes ou curieuses lui permettant de voir son état sous un angle différent-peut-être même moins terrible. Il appréciait surtout qu'elle lui cite des phobies à côté desquelles sa terreur de la nuit paraissait très raisonnable. qu'était donc sa nyctaphobie comparée à la ptéronophobie (peur des plumes), à la pédiophobie (peur des poupées) ou, pis encore, à la coi-tophobie (peur du sexe) ou à l'autophobie (peur de soi-même) ?
C'était le crépuscule et Faye s'efforçait d'occuper l'esprit d'Ernie en lui parlant d'un écrivain, John Cheever, qui souffrait de géphyrophobie: Cheever ne pouvait, en effet, franchir un pont.
Ernie l'écoutait, fasciné, mais n'en avait pas moins conscience de la nuit qui tombait. Les ombres s'allongeaient sur la neige et ses doigts se crispaient sur le bras de sa femme. Il lui aurait fait mal si elle n'avait porté un pull-over épais et un chaud manteau.
Ils avaient dépassé le septième p‚té de maisons. Ils étaient donc allés trop loin pour être revenus avant la nuit noire. Les deux tiers du ciel étaient déjà très sombres, le troisième n'était encore que violet foncé.
Faye s'arrêta sous le cône de lumière d'un lampadaire afin de donner un peu de répit à Ernie. Il avait les yeux fous et sa respiration était haletante. Il était au bord de la peur panique.
Ń'oublie pas de contrôler ton souffle ª, dit-elle.
Il hocha la tête et s'efforça de respirer lentement, plus profondément.
quand toute lueur eut disparu dans le ciel, elle dit:
´ Tu es prêt à rentrer ?
- Prêt ª, fit-il d'une voix caverneuse.
Ils quittèrent la zone éclairée pour l'obscurité et prirent la direction de la maison. Ernie serrait les dents.
Ce qu'ils entreprenaient pour la troisième fois, c'était une technique thérapeutique radicale appelée
´ flooding ª, au cours de laquelle le sujet atteint de phobie est encouragé à se confronter avec l'objet de sa terreur et à tenir jusqu'à ce que celui-ci rel‚che son emprise. Le flooding repose sur le fait que les crises
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