La fuite du temps
préciser ses paroles.
— J'ai oublié de
vous dire que Marthe et moi, on a décidé de se fiancer à la fin de l'été
prochain, ajouta-t-il, un peu solennel.
— C'est pas vrai!
s'écria Laurette, heureuse de la nouvelle.
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— C'était le seul
moyen de l'empêcher de retourner
dans le
Bas-du-Fleuve, dit le jeune homme, apparemment heureux.
— C'est une ben
bonne nouvelle, dit Laurette. Qu'est-ce que t'en penses, Gérard? — Moi, une
belle bru de plus, ça fait toujours mon affaire, déclara son mari avec le
sourire.
Durant les
minutes suivantes, Pierre, Denise, Jocelyne, Gilles et Florence arrivèrent les
uns après les autres et se mirent à charger l'énorme camion rouge que Richard
avait stationné devant la porte de l'appartement.
Peu après, Armand
et Pauline firent leur apparition en compagnie de leur fille Suzanne ainsi que
de Bernard et Marie-Ange qu'ils avaient fait monter en passant rue Logan.
— Mais il manque
personne, dit Laurette, contente de voir autant des siens venir aider.
— Louise vient de
nous appeler pour nous dire qu'elle arrivait, fît Pauline, l'air morose.
Quelques minutes
plus tard, Carole déposait une boîte de vaisselle dans la benne du camion de
son frère lorsqu'elle aperçut la Corvair brune de Serge Vermette s'immobiliser
derrière la Malibu de son beau-frère. Elle s'arrêta, attendant que sa cousine
et son compagnon sortent du véhicule et se dirigent vers elle.
— Bonjour,
Carole. Ça fait longtemps qu'on s'est pas vues, dit Louise Brûlé en
l'embrassant. Je te présente mon ami Serge.
Carole les
embrassa tous les deux avant de les entraîner dans l'appartement en pleine
effervescence.
— Je vous amène
encore de l'aide, annonça Carole à la ronde.
Le visage de
Pauline se rembrunit, mais Laurette fit comme si elle ne reconnaissait pas
l'ancien vicaire de la paroisse et accueillit le couple en déclarant:
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— Tous les bras
sont bienvenus à matin.
Les frères Morin
imitèrent leur mère et tendirent la main à Serge Vermette avant de l'entraîner
au travail avec eux.
Vers dix heures,
tous les effets des Morin avaient été chargés dans le camion de Richard et les
bénévoles, au volant de leur automobile, formèrent un important cortège
derrière le gros véhicule pour se rendre rue Champagne.
Demeurés seuls
derrière, Gérard et Laurette visitèrent une dernière fois chaque pièce de leur
appartement maintenant vide, autant pour vérifier s'ils n'y avaient rien oublié
que pour en garder un dernier souvenir.
— Il va falloir y
aller, dit Gérard. Il faudrait pas qu'ils mettent les meubles n'importe où. Il
reste juste à laisser la clé aux Bélanger, à côté.
Laurette sortit
de l'appartement. Quand son mari verrouilla pour la dernière fois la porte
derrière lui, elle ressentit un pincement au coeur. Elle avait la nette
impression qu'une tranche importante de sa vie venait de prendre fin.
Gérard sonna chez
les Bélanger. Laurette les salua et les invita à venir les voir rue Champagne.
Mis à part Rose Beaulieu, sa voisine à l'étage, les Bélanger étaient les seuls
voisins à qui elle avait parlé fréquemment. Comme elle le répétait souvent,
Laurette n'avait jamais été très «voisineuse».
Le couple quitta
la rue Emmett après avoir jeté un dernier regard vers la vieille maison qui
l'avait abrité de si nombreuses années.
Le premier geste
de Gérard en arrivant à son nouvel appartement fut de déverrouiller la porte
cochère si souvent empruntée par son beau-père à l'époque où il était livreur
de blocs de glace. Il stationna la Chevrolet dans le passage
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voûté avant
d'aller prêter main-forte aux déménageurs qui avaient déjà entrepris d'entrer
les meubles et les boîtes à l'intérieur du logis.
Le travail fut
mené si rondement qu'à midi tout avait été mis en place dans la maison.
Laurette, ainsi que Carole, Marthe et Louise préparèrent une quantité
impressionnante de sandwichs aux oeufs et à diverses viandes froides pour nourrir
les travailleurs affamés.
Au milieu de
l'après-midi, les derniers bénévoles quittèrent la maison. Gérard et Laurette
se retrouvèrent seuls dans leur appartement. Ils se regardèrent un instant, un
peu dépaysés dans ce nouvel environnement.
— Bon. Ben, je
pense que je vais aller faire un somme en attendant l'heure du souper, dit le
quinquagénaire à sa
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