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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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requiers votre indulgence puisque, pendant la demi-heure qui vient, notre bonne Miss F. va faire opérer sa magie sur votre garde-robe, car comme vous le savez, elle participe du renom du Pavilion Theatre. Cette année verra le clou de sa carrière. » Il nous a jaugés d’un œil critique, puis s’est mis à chercher quelqu’un du regard. « Où est Mr Chapman ? Et ses excellents compagnons à quatre pattes ? Est-il parti ? »
    Will m’a derechef pris par le bras et propulsé sur la scène !
    « Le voilà, monsieur, a-t-il dit en grimpant les marches. En forme, à la mode de Bristol – ou si ce n’est fait, ça le sera bientôt, quand la divine Miss F. lui aura appliqué ses enchantements. »
    (C’est la seconde fois, ce jour-là, qu’on m’incluait dans la troupe !)
    Tous les yeux se sont tournés vers Miss Fleete, qui approchait, petite et contrefaite, la jambe droite trop courte et, en raison de ce déséquilibre, toujours voûtée. Mais bossue ou pas, elle était passée maîtresse dans l’art du costume et savait créer les robes et tenues les plus fines, les plus extravagantes, à partir des tissus les moins attrayants. Elle n’avait besoin ni de mètre ni d’épingle pour faire le tour de la troupe, jaugeait d’un coup d’œil la longueur d’une jambe, d’une manche, un tour de taille et, rapide comme l’éclair, lançait « Mr Corben, 32 ou presque, » ou encore « Miss Vickers, un petit 18, mais prévoir l’aisance du geste », à son assistante, qui se tenait tranquillement à son côté, crayon et carnet en main. Cette assistante n’était autre qu’Emily Pikemartin, la fille d’Alf Pikemartin, notre gardien à l’Aquarium.
    Je crois que je suis amoureux d’Em. La voir ainsi se hâter dans la rue, s’arrêter pour regarder dans une vitrine, entendre son pas léger dans les escaliers et sentir la douce fragrance de lin et de coton qui l’entoure me procurent une joie infinie. En outre j’ai la chance de la voir souvent car elle aide son père le soir, à l’Aquarium, quand elle a terminé sa journée de labeur auprès de Miss Fleete, et bien que ses yeux doivent être fatigués après un travail aussi minutieux, ses épaules raidies d’avoir été assise toute la journée, je ne l’ai jamais entendue se plaindre. Elle a toujours le temps pour Brutus et Néron. Elle s’assoit sur les marches, ses amis dévoués, fauve ou noir, s’installent de chaque côté, puis elle leur parle doucement, et ils l’écoutent en lui léchant les doigts, ou bien la tête posée sur ses genoux. J’aimerais être à leur place ! Je serais heureux de m’agenouiller à ses pieds pour écouter sa voix suave et lui baiser les mains : je n’aurais alors plus jamais besoin d’autre chose. Mais je sais la façon dont elle observe Will Lovegrove, en secret, tête baissée, et si jamais il lève les yeux dans sa direction, elle rougit très joliment et feint d’examiner l’ourlet de sa robe. D’ailleurs il la regarde souvent, et c’est plus qu’un simple coup d’œil. Quand il vient à l’Aquarium, il la suit partout comme un toutou tandis qu’elle balaie le sol ou époussette les statues de cire et, il y a peu, je les ai même vus se promener ensemble en discutant. Je suis persuadé qu’Em m’aimerait, si elle n’avait pas déjà donné son cœur à Will.
    Après avoir salué Will (qui, bien sûr, s’est incliné et lui a fait le baisemain), Miss Fleete s’est écriée : « Ah, Mr Lovegrove, quelles belles jambes, quel beau torse – ah, quelle virilité ! –, poursuivons, Emily, voulez-vous ? » Elle a rougi un peu, lissé sa robe et rajusté les épingles de son chignon avant d’enfin pouvoir dire à mon sujet : « Ah, oui, Mr Chapman, les épaules, 40, manches plutôt courtes, une ceinture, je pense, Emily, si nous parvenons à en trouver une. » Les regards d’Emily et de Will se sont croisés, et pour la première fois j’ai vu sur le beau visage de mon ami une expression rare, plus sérieuse qu’ironique, et je me suis interrogé. Penchée sur son carnet, Em griffonnait ses notes en hâte, mais je crois qu’elle souriait dans la lumière ambrée des becs de gaz.
    « Bonjour, Bob », a-t-elle murmuré, puis elle a accueilli Brutus et Néron avec sa gentillesse habituelle. Will la contemplait, et l’a suivie des yeux lorsqu’elle a quitté la scène avec Miss Fleete en lui ouvrant la porte. Puis il a examiné ses bottes, m’a jeté un coup

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