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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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moi mes deux compagnons, puis en évitant avec soin Mrs Gifford quand nos routes se sont à nouveau croisées dans le hall, et même quand Pikemartin m’a tendu cette note :
    À mon cher Bob Chapman.
    Merci de rendre visite à la Princesse dès que possible. Pour prendre le thé.
    Merci.
    C’était le plus petit message qu’on ait jamais vu, un billet de fée sur du papier de fée, que le bâillement d’une souris derrière un lambris aurait emporté. Toutefois, son pouvoir était celui d’un ordre royal, écrit sur un parchemin à l’ancienne, cacheté à la cire rouge avec un ruban, et remis par un garde d’un bon mètre quatre-vingts ! La Princesse aimait à prendre le thé tard dans la soirée, tandis que sur moi l’effet était tel que j’étais sûr de ne pas trouver le sommeil de la nuit. Mais on ne pouvait rien lui refuser, alors je suis retourné sur mes pas et je me suis présenté, avec mes chiens fraîchement toilettés, à la porte du grenier, que Will appelait le « boudoir supérieur », où se trouvait son étrange petit palais.
    La Princesse Poucette avait vingt-trois ans, elle ne mesurait pas plus de cinquante centimètres de hauteur, mais c’était une créature parfaite. Sa peau était aussi douce que celle d’une enfant, ses mains pareilles à celles d’une poupée, chaque doigt si fin qu’on aurait pu le briser en soufflant dessus, chaque ongle tel un copeau de perle. Une espèce de halo pâle et doré en guise de chevelure encadrait son visage d’ange. Mais elle avait beau ressembler à un enfant, en avoir le timbre – sa voix n’était pas plus forte que celle d’un nouveau-né –, elle possédait l’esprit et l’intelligence d’un homme bien éduqué. Un jour, Herr Swann, géant de deux mètres dix et esclave de la Princesse, lui a lancé : « Princesse, vous êtes une créature divine », elle a répondu aussitôt de sa voix d’oiseau : « Et vous êtes divinement doué de l’avoir deviné ! », ce qui nous a tous fait rire, la Princesse plus que tout autre, qui a porté sa main minuscule à sa bouche et essuyé des larmes aussi fragiles que des gouttes de rosée.
    De plus, elle constitue, comme on dit dans notre profession, « une grande attraction », et bien qu’elle soit à l’Aquarium depuis six mois, les visiteurs font encore la queue pour venir la voir interpréter une nouvelle chanson, ou porter une de ses splendides nouvelles robes (ce qu’elle aime beaucoup). Hélas, Mrs Gifford, quand elle ne file pas Dieu sait où (elle ne raconte à personne où elle va), a pris la pauvre Princesse sous sa coupe et la fait trimer jusqu’à ce que l’infortunée soit terrassée par la fatigue. Je l’ai vue sur le palier, penchée vers le hall d’entrée, criant au public : « Hé, par ici ! Venez voir la Princesse Poucette ! Ça va commencer ! » Ce qui est une manière très vulgaire d’annoncer les choses, qui conviendrait mieux sur une foire. « Venez serrer la main d’une vraie Princesse-fée ! beugle-t-elle. Pour un penny de plus, vous pouvez la soulever pour voir comme elle est légère ! »
    Ce n’est certes pas son rôle d’aller chercher le premier bougre venu dans la rue pour lui faire toucher la Princesse, dont les os délicats sont aussi fragiles que ceux d’un oisillon. Mais est-ce que ça gêne Gifford ? Pas le moins du monde. Je crois que si elle pouvait, elle ferait de la Princesse sa chose.
    « Vous devriez être plus aimable avec les messieurs », l’ai-je entendue dire un jour entre deux représentations, s’adressant à elle comme à une enfant. Ou une simple d’esprit. « Ces messieurs apprécieraient si vous vous asseyiez sur leurs genoux et les laissiez vous tenir la main.
    — Peut-être, mais moi je n’apprécierais pas du tout, a reparti la Princesse Poucette en arrangeant sa robe, refusant de regarder Gifford.
    — Cela n’a aucune importance. Vous ferez ce qu’on vous demande.
    — Ce n’est pas à vous de me dire ce que je dois faire, a-t-elle répliqué de sa voix d’oiseau. Je ne travaille pas pour vous, et jamais Mr Abrahams n’exigerait des choses pareilles.
    — Ne prenez pas vos grands airs, ma chère, a aboyé Gifford. Vous n’êtes qu’un animal de foire. À trois pence la séance. Ne l’oubliez pas. »
    C’était très cruel, et à compter de ce jour Gifford a été bannie du palais du grenier, ce qui ne l’a pas empêchée de venir rôder dans les parages, essayant de lorgner

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