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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Il est vrai que le père Joseph lui pesait peu sur le dos, étant si
maigre et si léger. Comme disait Fogacer, « quand il mourra, il aura peu à
faire pour se débarrasser de son corps et rester seul avec son âme ».
    Je confiai Monsieur de Guron à Madame de Bazimont qui fut
aux anges de revoir un de « ses gentilshommes » et lui fit servir du
vin de Loire avec quelques frianderies de gueule qui ne firent pas long feu sur
leur assiette. Et quand je lui dis que j’allais voir avant dîner Hörner et ses
hommes travailler au mur du parc, elle confia à Luc cinq flacons de ce même vin
pour les désaltérer et les mercier au nom de sa maîtresse. Nicolas me quit de
l’accompagner, ce que j’acceptai, car il avait péri d’ennui à m’attendre,
tandis que j’étais chez le cardinal.
    Hörner me reçut avec la politesse roide, militaire et
germanique qu’il eût témoignée à son colonel et me montra, avec un évident
plaisir, les parties du mur d’enceinte qu’il avait relevées avec ses Suisses.
    —  Natürlich, Herr Graf [44] , dit-il, les murs ne sont pas
hors échelle, mais il est toujours possible de creuser à leur pied de ce
côté-ci des pièges en quinconce pour les coquarts qui tenteraient de passer
par-dessus. Toutefois, il serait moins coûteux d’acheter quelques dogues
allemands qu’on tiendrait le jour en chenil, et lâcherait la nuit dans le parc.
    — Va pour les dogues, Herr Hörner, si vous savez
où les acheter, et bravissimo pour le mur. On dirait ouvrage de maçon, tant il
est bien fait.
    — L’un de mes hommes a été maçon, dit Hörner et il a
appris aux autres.
    — Eh bien donc ! Bravo à celui-là et aux autres
aussi pour avoir si bien appris. Si l’un d’eux se blesse en ce labeur, plaise à
vous, Herr Hörner, de me l’envoyer incontinent pour que le révérend
médecin chanoine Fogacer le soigne et le panse avant que la plaie ne s’infecte.
Ces flacons de vin de Loire sont offerts à vous et à vos hommes pour vous
témoigner la gratitude de Madame de Bazimont pour ce beau mur d’enceinte.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas, quand on eut quitté
ces braves gens, puis-je faire une remarque ?
    — Pourquoi pas, Chevalier, si elle est
pertinente ?
    — La voici. En pierre taillée, en sable et en chaux,
c’est beaucoup, beaucoup de bonnes et belles pécunes dépensées pour un mur
qu’il se peut que vous ne reverrez jamais, la guerre finie.
    — C’est bien ce que je pensais. La remarque est
impertinente.
    — Monsieur le Comte, puis-je vous demander
pourquoi ?
    — Parce qu’elle implique une alternative.
    — Monsieur le Comte, puis-je demander laquelle ?
    — Ou bien, la guerre finie, je revois Madame de
Brézolles, ou bien je ne la revois pas et le mur pas davantage.
    — Monsieur le Comte, je proteste de ma colombine
innocence. Je n’ai pas voulu trespasser le mur de votre intime vie.
    — Je te lave de ce soupçon, Chevalier. Mais pourquoi,
la guerre finie, reverrais-je Madame de Brézolles sinon pour la marier ?
    — Monsieur le Comte, peux-je remarquer que c’est vous
qui parlez le premier de matrimonie.
    — Mais le mot était implicite dans ton propos.
Chevalier, ce n’est pas parce que tu ne penses et ne rêves que mariage qu’il
faut marier le monde entier.
    — Monsieur le Comte, je quiers votre pardon.
    — Je te le baille.
    — Je m’accoise. Me permettez-vous pourtant, Monsieur le
Comte, de vous dire que ce mariage, que vous avez vous-même évoqué, serait à mes
yeux et aux yeux de tous infiniment congru.
    — Nicolas, tu as une façon bien bavarde de demeurer
coi. Toutefois, je pardonne encore cette remarque, si elle est la dernière.
    — Elle sera la dernière, Monsieur le Comte.
    En retraçant mes pas du mur d’enceinte au château, je
trouvai à part moi que le béjaune était devenu bien audacieux, ne touchant plus
terre depuis qu’il avait l’assurance de marier Mademoiselle de Foliange. Mais
comment lui en garder mauvaise dent, alors qu’il était à moi si dévoué et si affectionné,
me considérant quasiment comme son père, alors même que je n’avais qu’une
douzaine d’années de plus que lui.
    Madame de Bazimont n’attendait que mon retour pour donner
l’ordre de servir, et je me ramentois encore avec quel bondissant élan Monsieur
de Guron gagna la table. Toutefois, à peine assis, il dut se relever, et nous
aussi, Mademoiselle de Foliange apparaissant et nous faisant une révérence

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