Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
Charpentier nous fit entrer dans une petite
salle où brillait un grand feu pour nous mettre à l’abri du temps venteux et
tracasseux et je trouvai là Monsieur de Guron et le père Joseph, lequel, dès
qu’il me vit assis à son côté, m’annonça, avec une joie non dissimulée, qu’il
avait gagné l’amitié d’un des Rochelais catholiques qui vivotait en barguignant
des vivres avec les assiégés, ce qui supposait qu’ils connussent bien le ou les
points de fortification de la ville qui étaient peu surveillés. En effet, le
trafic les mettait des deux parts en grand péril de leur vie, s’il était
surpris : la pendaison dans le camp royal ou la mousquetade des soldats
qui gardaient les murailles. Le père Joseph, qui était d’humeur enjouée et
taquinante, ne faillit pas de me faire remarquer qu’il avait réussi là où
Monsieur de Guron et moi-même avions échoué et, non sans quelque complaisance,
il voulut bien nous en expliquer les raisons.
    — Messieurs, dit-il, remarquez, je vous prie, que
l’encontre et la vue d’un petit capucin maigre monté sur une modeste mule
n’aurait su en aucune façon effrayer un de ces petits trafiqueurs, tandis que
votre superbe et guerrière apparence ne pouvait que l’effrayer. Le ciel me
garde d’ailleurs de vous en faire grief. Vous servez bien le roi ainsi. Mais à
vous voir, avec vos grands chevaux, vos vêtures brillantes, vos grandes bottes,
vos épées de guerre, sans compter ce qu’on ne voit pas, mais qu’on
devine : les pistolets enfouis dans les fontes de vos arçons, quel pauvre
hère, peu en règle avec les ordonnances royales, consentirait à prendre fiance
en vous, alors qu’il se sait pendable plutôt trois fois qu’une ?
    — Bref, dit Monsieur de Guron d’une voix où perçait
quelque agacement, comment se nomme le coquart ?
    Il devait me dire plus tard que, si admiratif qu’il fut du
père Joseph, il reniflait parfois quelque relent d’orgueil derrière sa grande
humilité.
    — Il se nomme Bartolocci, dit le père Joseph. Il parle
un français baragouiné d’italien ou, si vous préférez, un italien baragouiné de
quelques mots français.
    — Et que sait-il des portes rochelaises ?
    — Il a été saulnier dans les parages de l’une d’elles.
    — Saulnier ? dit Monsieur de Guron. Qu’est
cela ?
    — Comment ! Monsieur de Guron ! Vous ne le
savez pas ? dit le père Joseph que son humeur taquinante ne quittait pas.
    — Un saulnier, me hâtai-je de dire, voyant que ce petit
tabustement commençait à piquer quelque peu Monsieur de Guron, est un ouvrier
qui veille sur un marais salant. Il ouvre les vannes, il les ferme, il racle le
sel, il le met en tas, etc. Eh bien, mon père, poursuivis-je d’un ton vif et
expéditif, qu’en est-il de ce saulnier ?
    À cet instant, l’huis fut déclos et Charpentier vint nous
dire que le cardinal était de retour, et qu’il nous attendait, assis à sa table
de travail. J’observai que le vent violent qui soufflait sur la digue lui avait
rougi les joues, ce qui dissimulait son habituelle pâleur.
    — Messieurs, avez-vous trouvé notre homme ?
    — Nous l’avons trouvé, dit le père Joseph avec une
générosité qui toucha Monsieur de Guron.
    — Pour parler à la franche marguerite, dit Monsieur de
Guron, Monsieur d’Orbieu et moi-même l’avons cherché, et le père Joseph l’a
trouvé.
    — Où est-il ? dit Richelieu en se tournant vers le
père.
    — Dans la salle de garde, en compagnie d’un
mousquetaire.
    — Quel est son nom ?
    — Bartolocci.
    — Parle-t-il français ?
    — Il parle un italien baragouiné de quelques mots de
français.
    — Que fait-il dans le camp ?
    — Il barguigne de petites viandes avec les assiégés.
    — C’est donc un petit traître, dit Richelieu. Nous
avons pendu une bonne douzaine de ces coquarts depuis le début du siège. Ne
pouvait-il gagner sa vie autrement ? N’a-t-il pas de métier ?
    — Il en avait un, Monseigneur. Il l’a perdu. Il
travaillait dans les marais salants, mais La Rochelle a abandonné ces
marais-là : les pompes qui y amenaient l’eau de mer tombaient trop souvent
en panne. Et du fait de ces abandons, les marais salants sont devenus
marécages.
    — Cela ne me dit pas le point le plus faible et le
moins bien surveillé des murailles.
    — Bartolocci, Monseigneur, vous le dira à vous-même,
pour peu que vous lui donniez un sauf-conduit pour n’être point arrêté dans

Weitere Kostenlose Bücher