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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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des Français,
assiégeaient Casal. Belle lectrice, vous voudrez bien remarquer ici cette
conduite absurde, mais si fréquente dans l’histoire du monde : pour se
préserver d’une possible agression, on se précipitait dans un mal infiniment
plus grand : la guerre.
    — Vous observerez donc, Messieurs, poursuivit le
cardinal, que, voyant notre armée tout entière occupée au siège de La Rochelle,
l’Espagnol a pris « cette occasion au poil » (expression que
Richelieu affectionnait) pour mettre le siège devant Casal, ville
importantissime sur le Pô, défendue par une garnison française dont la solde
est payée par notre ami et allié, le duc de Mantoue. Nous allons assurément lui
porter secours, mais point aussi puissamment que nous l’eussions voulu, le gros
de nos forces étant immobilisé céans. C’est pourquoi je me suis apensé que pour
nous gouverner dextrement en cette affaire, il serait opportun de lancer un
assaut contre La Rochelle qui, s’il succédait, la mettrait sans tant languir
dans nos mains, nous permettant alors de libérer nos forces pour les employer
là où elles sont devenues si nécessaires : en Italie.
    — Monsieur le Cardinal, puis-je opiner ? dit le
père Joseph, le cardinal s’accoisant après ce petit discours.
    — Assurément, Père Joseph, dit Richelieu.
    — Je gage, Monsieur le Cardinal, que vous allez
dépêcher des gens à Saintes pour acheter des pétards de guerre, et d’autres de
vos gens à Paris pour engager des pétardiers. Que ferons-nous pendant ce
temps ?
    — Nous rechercherons le point le plus faible et le
moins bien surveillé des fortes murailles de La Rochelle et, Messieurs, si vous
y êtes consentants, vous allez m’y aider.
    — Et comment ferons-nous, Monsieur le Cardinal ?
dit Monsieur de Guron. Nous n’avons aucune charge dans les armées du roi.
    — La tâche que je vous propose, dit Richelieu, n’a rien
de militaire. Bon nombre de Rochelais catholiques vivent hors les murs de La
Rochelle, faisant mille métiers mineurs. Recherchez-les et, avec adresse,
faites-les parler des abords de la ville qu’ils doivent bien connaître, car je
suis bien assuré que dès lors qu’au premier coup de canon les huguenots les ont
bannis de leur ville, ils n’ont eu de cesse qu’ils ne s’y faufilent quand et
quand en tapinois, pour faire de petits bargoins avec les emmurés. J’ai, pour
ma part, d’autres sources d’information qui ne sont qu’à moi accessibles, mais
celles que je vous demande d’explorer ne sont point négligeables.
    Là-dessus, ayant recueilli notre assentiment, il nous bailla
notre congé et à peine la porte fut-elle déclose pour nous par Charpentier que
le cardinal se plongea incontinent dans un dossier épais comme une pierre de
taille. Cela me donna à penser qu’il ne pourrait en venir à bout que sur le
coup de minuit, ce qui ne l’empêcherait nullement de se lever le lendemain aux
aurores pour aller inspecter et presser le chantier de la digue comme il le
faisait tous les jours, sauf le dimanche, ce jour-là, comme on s’en ramentoit,
étant chômé dans notre camp comme dans celui des huguenots. N’étions-nous pas
des deux côtés chrétiens ? Et censés nous aimer les uns les autres comme
frères ?
    À l’écurie du cardinal où nous allâmes pour reprendre nos
montures, j’invitai Monsieur de Guron et le père Joseph à dîner au château de
Brézolles avec moi, invitation que Monsieur de Guron accepta avec allégresse,
étant à Pont de Pierre bien logé, mais mal nourri, tandis que le père Joseph la
refusa tout à trac, disant qu’il avait tant à faire en l’après-dînée qu’il ne
mangerait qu’un croûton. Ce disant, il caressait sa petite mule qu’il appelait
Idona, laquelle semblait être la seule créature au monde à qui il fût par le
cœur attaché, car il lui grattait le front et le dessus de la mâchoire en
murmurant des gentillesses dans ses grandes oreilles. Idona devait répondre
avec gratitude à ces enchériments, car avec lui, disait-il, elle ne se montrait
ni capricieuse ni entêtée et ne lui jouait pas non plus ces mauvais tours qui
sont le propre de son espèce. Ce qui lui eût été pourtant très facile car le
capucin, en raison de son froc de moine, la montait en amazone et, qui pis est,
à cru. Tant est que n’ayant même pas de fourche entre les jambes, il avait si
peu d’assiette que d’un seul petit mouvement de sa croupe, Idona eût pu le
jeter bas.

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