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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mérangeoises quand je m’assis à table avec eux fut de décider si
je leur allais apprendre tout de gob la bonne nouvelle du retour du roi –
lequel, comme on s’en ramentoit, avait fixé leur mariage le jour où il reviendrait
au camp – ou bien devrais-je attendre, pour ce faire, la fin du
dîner ? Tout bien pesé, j’optai pour cette deuxième solution, me disant
qu’il serait plus difficile à Mademoiselle de Foliange de pâmer, une fois
qu’elle serait lestée de viandes. Car, la Dieu merci, depuis qu’elle était
parmi nous, mangeant à bonne fourchette et franche bouchée, elle s’était bien
rebiscoulée. Tant est que de hâve, pâle et maigrelette qu’elle était à son
arrivée céans, ayant à peine assez de force pour esquisser une révérence, parlant
à voix ténue et comme éteinte, prenant le bras de Madame de Bazimont pour
monter à l’étage, elle était redevenue ce qu’elle avait dû être avant que
commençât la famine rochelaise : une fort belle garcelette, mince de
taille, mais bien rondie là où il convient aux filles de l’être, rieuse, l’œil
en fleur, la lèvre gourmande et des petites dents blanches bien aiguës pour
bien mordre dans la vie ; au demeurant, fort heureuse de se sentir tant
aimée en ce château, amoureusement par Nicolas, maternellement par Madame de
Bazimont, et par moi je ne dirais pas paternellement, de prime parce que je
n’étais que de dix ans son aîné, et aussi parce que mon admiration s’adressant
à la femme tout entière, la convoitise qui, quoi que j’en eusse, en résultait
ne s’était muée en tendresse pure que sous les petits coups de caveçon de ma
conscience. Que diantre, me disais-je, je ne vais pas, comme on dit dans la
Bible, « convoiter la femme de mon voisin », surtout quand ce voisin
se trouve être mon écuyer ! Toutefois, il me semble que cette expression «  tendresse
pure » dont je viens d’user est un peu chattemite. Car, pour parler à la
franche marguerite, il restait dans ce sentiment-là assez de sensualité
subreptice pour qu’on ne pût la confondre avec celle d’un père.
    — Mademoiselle, dis-je, quand on en eut fini avec le
fromage, plaise à vous de m’ouïr. Je vais vous annoncer une nouvelle qui, si
vous êtes toujours dans les mêmes dispositions à l’égard du chevalier de
Clérac, ne pourra que vous combler d’aise et lui aussi.
    Mademoiselle de Foliange, à ouïr ce propos, rougit, jeta un
œil à Nicolas, un autre à moi-même et se tut.
    Ce silence me déconcerta, car il me semblait qu’à sa place,
je n’eusse pas manqué de dire que mes sentiments, à l’égard de Nicolas,
n’étaient pas changés. Or, elle demeurait close et coite, les yeux baissés. Je
me demandais donc, non sans quelque anxiété, si je devais poursuivre ou non,
car à supposer que ma nouvelle ne la réjouît pas autant que je l’avais pensé,
mon pauvre Nicolas serait frappé de désespoir.
    Dans le doute où j’étais, je levai un sourcil dubitatif à
l’adresse de Madame de Bazimont qui, debout derrière Mademoiselle de Foliange,
la couvait comme à l’accoutumée de ses plus tendres regards. Entendant aussitôt
le sentiment qu’exprimait mon regard, Madame de Bazimont fit « oui »
de la tête d’un air gourmand pour m’encourager à poursuivre.
    — Sa Majesté, dis-je, a dépêché de Niort un courrier à
Monseigneur le Cardinal pour annoncer qu’il serait de retour dans le camp d’ici
quelques jours.
    — La Dieu merci, dit Nicolas joyeusement et, dans sa
joie, il se leva à demi de table, puis m’envisagea et, craignant de me déplaire
par son exubérance, il se rassit.
    Quant à Mademoiselle de Foliange, ses yeux se remplirent de
larmes et, me demandant d’une petite voix fêlée et sanglotante la permission de
se retirer, sur un signe que je lui fis, elle se leva en effet, se dirigea d’un
pas rapide vers l’escalier qui menait à sa chambre, suivie aussitôt par Madame
de Bazimont, laquelle, au départir, me lança un regard qui voulait dire
clairement : « Ne vous inquiétez pas ! Cela n’est
rien ! »
    — Que se passe-t-il donc ? me dit Nicolas en
m’envisageant avec un désarroi qui me fit peine.
    — Rien qui ne soit de très bon augure pour toi, mon
cher Nicolas !
    — Du diantre si j’entends goutte à son
comportement ! dit Nicolas, toujours fort angoissé. Elle pleure !
Elle me fuit !
    — Nicolas, dis-je, elle ne te fuit pas ! Elle
fuit,

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