La Gloire Et Les Périls
taille liées entre elles à chaux et à sable.
Fort prompte fut la réponse de l’artillerie rochelaise et nous dûmes tout aussi
promptement retirer nos canons hors portée avant qu’ils ne fussent détruits.
Apparemment, nos vaillants huguenots avaient été meilleurs ménagers des poudres
et des boulets que des viandes.
Comme il faut que nos Français en toutes circonstances
critiquent tout, on ne laissa pas de clabauder çà et là dans le camp contre ces
assauts, les clabaudeurs étant ceux-là mêmes qui se plaignaient le plus
auparavant qu’on ne tentât rien de vive force. Mais en dépit de ces caquets, la
preuve meshui était faite et bien faite : on ne réduirait pas La Rochelle
par des attaques, mais par famine et longueur de temps. Avec plus de zèle
encore, Richelieu poussa la construction de la digue et continua d’acheter des
vaisseaux hollandais, fit venir des marins de Bretagne et de Normandie pour les
équiper, afin de disposer d’une flotte qui pût affronter la flotte anglaise,
ses espions lui ayant appris que les Anglais préparaient, maugré l’échec de
l’île de Ré, une deuxième expédition pour aider La Rochelle à soutenir ce siège
longuissime.
*
* *
Louis, fidèle à sa parole, avait quitté Paris le trois avril
1628 et vingt et un jours plus tard, il arriva au camp. Ce n’était pas un
voyage bien rapide, comparé à ceux de nos courriers. Mais le train royal
comprenait – outre les ministres et les grands officiers – les mousquetaires,
les gardes suisses, les gardes françaises et une partie de la Cour. Je dis bien
une partie, car le roi noulut, malgré leurs prières, emmener la reine et les
dames sous le prétexte des épidémies qui régnaient dans le camp. En réalité,
parce qu’il craignait que les intrigues des vertugadins diaboliques ajoutassent
encore aux jalousies des maréchaux. En ce voyage, la longue colonne de
carrosses cahotantes et de cavaliers empoussiérés s’étendait sur la route en un
long ruban que sa longueur même ralentissait, sans compter qu’il fallait
beaucoup de temps à l’étape pour loger tant de gens et pour trouver ensuite des
viandes en quantité suffisante pour les rassasier. En outre, Pâques survint,
tandis que Louis se trouvait sur les chemins et, étant si pieux et si
scrupuleux en ses devoirs chrétiens, il s’arrêta à Niort et y demeura trois
jours pour assister aux fêtes pascales et pour communier.
Son retour au camp redonna du cœur à ceux que ce siège
longuissime commençait à tant lasser qu’ils s’en fussent bien retirés, s’ils
l’avaient pu faire sans déchoir en leur honneur. Pour ramentevoir aux Rochelais
que, maugré l’échec de nos assauts, le siège se poursuivait implacablement, on
fit à Sa Majesté un accueil aussi sonore qu’illuminé. On alluma des feux de
joie tout au long de la circonvallation, tandis que de toutes tranchées on
tirait des salves de mousquet et les canons de nos redoutes et les batteries de
nos escadres tonnant à vous rendre sourd à jamais.
Plaise à vous, lecteur, de me permettre de revenir quelques
pas en arrière. C’est de Niort que le roi avait dépêché un « courrier
de cabinet », pour annoncer son retour au cardinal.
J’étais présent quand il le reçut et dès que le cardinal
rompit le cachet et parcourut la lettre-missive, il me dit en deux mots ce
qu’il en était. Sur quoi, il rougit de bonheur, puis pâlit, puis, se reprenant,
s’assit et ne dit mot. Il était clair qu’il était immensément soulagé à l’idée
de l’aide que Louis allait apporter par sa présence, ou, pour citer le
cardinal, « par le seul nom de roi », à son écrasant labeur.
Richelieu, sans du tout me prier de garder le secret sur le retour royal, me
donna mon congé à dix heures de l’avant-dînée et, retrouvant Nicolas et nos
montures, je me mis en selle, sans lui toucher ni mot ni miette de ce que je
venais d’ouïr. Mes lèvres pourtant me brûlaient de lui annoncer un retour qui
allait, pour la raison que l’on sait, le porter au comble de la joie.
Je me retins cependant parce qu’il me sembla que je devais à
Mademoiselle de Foliange de ne le point dire avant qu’elle ne fût là, afin
qu’elle pût partager aussitôt avec lui cette profonde liesse. J’étais bien
aise, quant à moi, à l’idée de leur apprendre que leur bonheur était si proche,
les aimant prou tous deux, quoique de façon différente. La question qui
m’agitait les
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