La Gloire Et Les Périls
eu quelque peine à trouver une robe qui convînt à la
mariée. Et certes, c’eût été chose bien difficile à découvrir dans un camp de
soldats, si Madame de Bazimont n’avait offert la sienne, préservée dans les
parfums et les aromates de sa plus chère remembrance. Nicolas et moi, nous
sourîmes en tapinois quand elle la proposa, l’abondance des formes de la bonne
dame faisant un tel contraste avec la sveltesse de Mademoiselle de Foliange.
Mais à l’essayage, il apparut que trente ans plus tôt Madame de Bazimont avait
peu de chose à envier à la sveltesse de notre garcelette. Il n’y fallut que
quelques retouches qui, à mon sentiment, eussent dû prendre deux journées, mais
qui en absorbèrent quatre, tant nos dames étaient méticuleuses. Et encore
étaient-elles aidées par celles des chambrières qui savaient tirer l’aiguille.
Pendant ces préparatifs, le pauvre Nicolas se morfondait dans son coin,
découvrant que dès lors qu’il s’agit des préparatifs d’un mariage, le marié
avait à peu près l’importance d’un bourdon dans une ruche.
Louis fit bien les choses, invitant à la cérémonie, outre
Toiras et le maréchal de Schomberg qui étaient mes intimes et immutables amis,
la compagnie de mousquetaires dont Nicolas faisait en principe partie, n’étant
que détaché à mon service pour le siège. Il invita aussi le maréchal de
Bassompierre et le maréchal accepta de prime mais, au dernier moment,
prétextant une soudaine intempérie, il s’excusa. Il se donna ainsi les gants
d’accepter tout en refusant. Cela me fit peine, car cela prouvait que, même à
distance, les vertugadins diaboliques gardaient sur lui toute leur emprise.
Le mariage se fit, comme il avait été décidé, dans l’église
romane intra muros de Surgères. C’est, à mon sentiment, mais je ne suis
pas orfèvre en la matière, une église fort curieuse dont le clocher est fait de
huit colonnes réunies en faisceau. La messe fut dite par le chanoine Fogacer.
Dans l’homélie qu’il prononça, laquelle avait, entre autres mérites, celui
d’être courte, il eut l’élégance, après l’éloge de Louis, de louer Madame la
duchesse de Rohan d’avoir obtenu du corps de ville rochelais qu’il permit à
Mademoiselle de Foliange de saillir hors les murs.
D’un bout à l’autre de la cérémonie, Madame de Bazimont
pleura à petits bruits, ce qui m’eût fort étonné, s’agissant d’un événement
heureux, si je n’avais su par Perrette qu’elle aimait, à l’ordinaire, assister
aux mariages, même s’agissant de personnes qu’elle connaissait peu, ou pas du
tout, et que, chaque fois, elle y allait de sa larmelette.
Les deux jeunes époux logèrent dans la chambre qu’occupait
Mademoiselle de Foliange pour la raison qu’elle était plus vaste que celle de
Nicolas, et mieux aspectée, donnant au midi. Quant à mon écuyer, il fut d’ores
en avant tout aussi assidu à assurer auprès de moi ses devoirs de sa charge,
quoique avec une certaine lassitude, à tout le moins à ce qu’il me sembla. Il
parla aussi beaucoup moins et posa moins de questions, ce qui me parut prouver
que le mariage vous change un homme.
J’ai deux raisons de me ramentevoir du trente avril 1628. La
première, que nous sûmes par les espions intra muros, ce fut l’élection
comme maire de La Rochelle de Jean Guiton, ancien amiral de la ville, homme dur
et tenace qui ne baisserait pas facilement pavillon et préférerait sombrer
corps et biens plutôt que de traiter.
La deuxième nouvelle prit la forme d’une lettre cachetée de
cire que la poste me remit ce même jour. Elle venait de Nantes et m’était
expédiée par mes frères, Pierre et Olivier de Siorac. Mais, à l’ouvrir,
j’entendis bien qu’ils n’avaient été qu’un relais pour cette missive, car elle
s’adressait à moi et non à eux. Pierre, d’évidence (car c’était celui des deux
frères qui avait écrit le mot qui accompagnait ladite lettre), me voulut bien
préciser que sur l’enveloppe qu’ils avaient reçue non de la poste, mais d’un
bateau de commerce anglais qui relâchait dans le port de Nantes (en effet, la
France et l’Angleterre ne s’étant pas déclaré la guerre, le négoce continuait
comme si de rien n’était entre les deux pays), c’était bien leurs deux noms qui
figuraient. Mais à lire cette missive, ils entendirent fort bien que c’était à
moi qu’elle était destinée, car elle commençait par « ma chère
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