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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ce que nous avons décidé que nous ne
nous pressons jamais de le faire.
    « Ma chère française
alouette, je vous envoie au départir un bon million de baisers, de prime parce
que je vous aime fort, et aussi parce que je n’en ai pas l’usage ici, tant je
suis lasse et dégoûtée du train dont vont les choses en ce malheureux pays.
    Lady Markby »

 
CHAPITRE X
    Le cinq mai, le marquis de Bressac, capitaine aux gardes
françaises, fut capturé au cours d’une sortie audacieuse des assiégés,
lesquels, sans tant languir, exigèrent une rançon pour le libérer. Comme les
Rochelais me connaissaient déjà pour m’avoir admis dans leurs murs lors de ma
visite à Madame la duchesse de Rohan (visite dont tant de bien était sorti pour
Nicolas), Sa Majesté me chargea de mener le bargoin avec les assiégés, car
bargoin il y avait, la somme demandée étant si énorme que Louis estimait qu’il fallait
que le corps de ville en rabattît. Ce qu’il fit, mais non sans de longues et
âpres palabres qui se tinrent intra muros dans une maisonnette où je fus
quasiment escamoté, dès que j’eus franchi la porte Tasdon, mon écuyer et le
tambour royal qui m’avait annoncé restant hors.
    J’entendis bien que cette prestesse à me faire disparaître
avait été concertée, afin que la population ne pût nourrir, en me voyant,
l’espoir d’une négociation de paix que les plus affamés Rochelais réclamaient
déjà à cor et cri. Je soupçonnais aussi qu’en agissant ainsi le corps de ville
faisait de cette pierre deux coups : il m’empêchait de voir à quelle
extrémité de famine les Rochelais se trouvaient réduits.
    Et en effet, de tous ces pauvres gens squelettiques dont nos rediseurs intra muros décrivaient au cardinal le lamentable état, je
n’en vis pas un seul. Les deux échevins que le corps de ville avait dépêchés
pour barguigner avec moi sur le montant de la rançon n’étaient point gras,
certes, mais point maigres non plus, et avaient bon bec et bonne force pour
défendre les exigences du corps de ville.
    Nous étions, cependant, près de nous entendre, quand nos
négociations furent interrompues par un événement qui, tout prévisible qu’il
fût, nous surprit tout du même, quand il survint.
    Le jeudi onze mai, au début de l’après-dînée, comme
j’approchais de la porte de Tasdon, pour une nouvelle, et à ce que j’espérais,
ultime négociation, je fus soudain assourdi par un grand tintamarre, toutes les
cloches de La Rochelle s’étant mises en même temps à sonner, comme pour
célébrer un événement heureux. Cet allègre vacarme dans une ville aussi
éprouvée m’étonna plus encore quand, au bout d’une minute à peine, il cessa. Je
ne sus que beaucoup plus tard la raison de cet arrêt : les sonneurs étaient
trop épuisés par la faim pour sonner plus avant.
    Fort intrigué par ce carillon si joyeux et si tôt
interrompu, je n’en poursuivis pas moins mon chemin jusqu’à la porte de Tasdon
et là je commandai au tambour royal (superbement vêtu aux couleurs du roi) de démonter
et de sonner le réveil : c’était l’air choisi des deux parts pour admettre
les parlementaires intra muros. Mais les créneaux de la haute muraille
n’avaient pas eu besoin d’être réveillés pour se garnir de mousquets tous
braqués sur nous, et qui m’eussent tué, si j’ose dire, plusieurs fois, si le
capitaine Sanceaux leur en avait donné l’ordre.
    Le capitaine Sanceaux était le ribaud le plus arrogant et
borné de la création. Quand je m’étais présenté pour la première fois devant la
porte de Tasdon pour visiter Madame la duchesse de Rohan, il avait refusé de
prime de déclore l’huis, prétextant que le corps de ville ne lui en avait pas
donné l’ordre écrit. Fort heureusement, un échevin qui se trouvait sur les
remparts ne laissa pas d’ouïr ce stupide refus, et lui commanda, au nom du
corps de ville, d’ouvrir l’huis pour moi.
    Or, ce onze mai, sous les murs de La Rochelle, alors que
nous étions couchés en joue du haut des créneaux par les mousquets des soldats
huguenots, l’entrant nous fut derechef refusé par Sanceaux de la plus insolente
façon qui se puisse concevoir.
    — Monsieur ! me cria ce gros ribaud (sans daigner
me donner mon titre), décampez de céans sans tant languir ! Et faites
vite, idolâtre du diable, si vous ne voulez pas que mes mousquetaires fassent
de la dentelle avec vos tripes ! La Dieu merci, nous n’avons plus

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