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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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affaire
à vous ! La flotte anglaise est là, et bien là ! De quelques coups de
canon elle va réduire à rien votre digue orgueilleuse, comme le Seigneur
détruisit jadis la tour de Babel ! Et dans moins d’une semaine, Messieurs
les Papistes, vous aurez décampé de céans, la queue basse…
    À ces mots une telle grondante clameur s’éleva des remparts
à notre encontre, que j’entendis bien que les doigts huguenots démangeaient sur
les détentes des mousquets, et que ces braves gens, se croyant déjà vainqueurs,
nous eussent volontiers choisis comme victimes expiatoires de tous les péchés
catholiques. Il ne m’échappa pas que toute braverie à ces insultants propos
pourrait déclencher le pire et qu’enfin ce n’était pas le moment de monter sur
ses grands chevaux, et qu’il était infiniment plus sûr de répondre à ces
provocations dans les cordes basses.
    — Monsieur, dis-je à Sanceaux d’un ton calme et poli,
j’ai bien ouï votre message, et je le vais répéter mot pour mot à mon roi.
    À cela il y eut de grands ricanements derrière les créneaux,
mais peu me chalait. Je n’aurais pu prononcer, je suis bien assuré, une parole
plus opportune que celle-là, car la joie que le faquin ressentit à l’idée que
Louis allait ouïr de ma bouche son insolent message l’emporta pour lors de
beaucoup sur le plaisir qu’il aurait eu à m’occire. Et riant à gueule bec, au
comble de sa sotte joie, il fit de son bras levé un geste ordurier et
cria :
    — Répétez, Monsieur, répétez !
    Les rires redoublèrent. Je fis signe au tambour de se mettre
en selle et faisant faire volte-face à nos chevaux, nous départîmes, mais au
petit trot, car je noulus que notre retraite prît l’allure d’une fuite.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas se mettant au botte à
botte avec moi dès que nous fumes hors d’atteinte des mousquets, avez-vous cru
qu’ils nous allaient vraiment occire ?
    — À coup sûr, si j’avais répondu à son insolence par
quelque braverie.
    — Mais agir ainsi, Monsieur le Comte, eût été contraire
aux lois de la guerre.
    — Desquelles Monsieur Sanceaux se moque comme de ses
premières chausses.
    — Et pensez-vous qu’ils nous auraient tués tous les
trois ?
    — Oui-da ! Ils se seraient donné ce petit plaisir.
    — Ah Monsieur le Comte ! s’écria Nicolas avec
allégresse, j’aurais donc pu être tué face à l’ennemi ! N’est-ce pas
émerveillable ?
    — Certes, et le plus émerveillable, c’est que tu aurais
laissé derrière toi une jeune veuve qui aurait sangloté son âme jusqu’à la fin
de ses terrestres jours.
    — Je n’avais pas pensé à cela.
    — Je te recommande donc d’y penser, et de penser aussi
que la vaillance ne consiste pas à se faire tuer sans aucune utilité pour la
cause qu’on défend.
    Là-dessus, éperonnant mon cheval, je repris la tête,
laissant mon béjaune tout déconfit. Mais qui sait ? m’apensai-je, si ma
bonne leçon lui demeure en cervelle, il se pourrait qu’un jour, au combat, il
agisse avec prudence, et que cette prudence lui sauve la vie.
    Je regagnai au petit trot le camp, troublé assez par ce que
ce faquin de Sanceaux m’avait annoncé, toutefois j’en doutais encore. Mais
juste comme j’abordais les tranchées royales, j’ouïs trois coups de canon dont
le départ me parut trop lointain pour avoir été tirés par les Rochelais.
Néanmoins, je démontai – imité aussitôt par Nicolas et le tambour –
et j’approchai de nos tranchées, tenant mon Accla par la bride.
    — Monsieur le Comte, dit l’exempt de garde, qui, en
fait, me connaissait fort bien, plaise à vous de me donner le mot de passe.
    — Saint-Germain, dis-je aussitôt.
    Ce Saint-Germain n’était pas le saint, mais une abréviation
du château de Saint-Germain-en-Laye où Louis avait grandi.
    Une fois qu’il eut ouï le shiboleth [62] ,
l’exempt m’admit dans la tranchée avec un large sourire. Je dis «  large »,
car sa bouche était si grande que son sourire avait deux fois la largeur d’un
sourire ordinaire, tant est qu’avec ses cheveux roux, ses yeux bleus et ses
taches de rousseur, il montrait une face excessivement colorée.
    — Exempt, dis-je, savez-vous ce que signifient ces
trois coups de canon ?
    — Monsieur le Comte, dit l’exempt, c’est la moitié d’un
signal. Mais il faut attendre la seconde moitié pour être bien assuré de ce
qu’il veut dire.
    — Et que signifie le

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