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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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longue et fine, pendait à son côté gauche, et son cou était
entouré, non d’une dentelle, mais d’un col blanc uni fermé par deux cordons,
lequel le protégeait sans doute du frottement de la cuirasse.
    Ainsi fait, et tenant à la fois du prélat et du guerrier,
cette attifure eût pu provoquer quelques sourires en tapinois. Mais il n’en
était rien, car la silhouette était svelte et nerveuse, l’œil impérieux, le nez
busqué, la bouche ferme, et à vrai dire, à le voir si à l’aise dans sa
cuirasse, j’opinais qu’il se sentait, sans le montrer, plus heureux que jamais,
car n’étant pas né dans une grande famille promise aux grands emplois militaires,
il n’en avait pas moins accédé, en l’absence du roi, au commandement d’une
grande armée.
    — Monsieur d’Orbieu, dit Richelieu d’une voix prompte
et décisoire, vous survenez fort à propos. Je dépars dans l’instant pour Chef
de Baie, où je ferai tirer au canon sur d’aucunes voiles qui n’ont rien à faire
dans le pertuis breton. Plaise à vous de courre à Surgères prévenir le roi de
l’arrivée de ces intrus. Surgères est trop retiré dans l’arrière-pays pour que
Sa Majesté ait pu voir la fumée noire du Fort de la Prée, ni non plus ouïr les
canonnades des nôtres à la Pointe du Grouin. Et quant à vous, Monsieur
d’Orbieu, vous aurez moins de difficultés qu’aucun autre à approcher Sa
Majesté, étant déjà si connu à Surgères de son entourage.
    Bien qu’il fût un onze mai, et que le soleil brillât, un
petit vent vif et tracasseux nous frappa au visage, quand nous saillîmes hors.
Richelieu se mit en selle avec une agilité étonnante, et départit au trot pour
Chef de Baie, accompagné de ses gardes et de ses mousquetaires, et Nicolas me
suivant avec peine, je départis à bride avalée pour Surgères. Mon Accla, dès
lors qu’elle ne sentit plus le mors, ne se sentit plus de joie, tant elle était
à l’ordinaire rebelute de cheminer au petit pas, avec une désolante lenteur au
milieu de ces grands faquins de chevaux de guerre, si sales, si balourds et si
malappris. Ses deux fines oreilles joyeusement dressées, elle passa gaiement
d’elle-même du petit trot au grand trot, et le vent, au surplus, lui poussant
l’arrière-train, nous fumes à Surgères en moins de trois heures.
    Je trouvai Louis assis à une table basse tartinant de beurre
frais une tranche de pain, sans que je pusse savoir si c’était là son dîner,
son souper, ou une simple collation. Dès qu’il me vit, il posa sa tartine sur
son assiette, et il me dit :
    — Eh bien, d’Orbieu, quelles nouvelles ?
    — Sire, une flotte anglaise est en vue dans le pertuis
breton.
    — Soupite, dit le roi d’un ton uni et sans marquer le
moindre émeuvement, apporte-moi ma cuirasse, fais seller mon cheval, et va dire
à Clérac qu’on sonne le boute-selle en tous quartiers.
    Il se remit alors à sa tartine, la mangea jusqu’à la
dernière bouchée, se leva, et ses valets entrant avec la cuirasse royale, il
l’endossa avec leur aide, la face imperscrutable. Au bout d’un moment il se
tourna vers moi, et il dit non sans quelque satisfaction :
    — J’ai donc bien fait, malgré l’avis d’un maréchal de
France, d’ajouter neuf canons à l’artillerie de Chef de Baie. Les Anglais ne
peuvent qu’ils ne passent à proximité de la pointe pour entrer dans la baie… Eh
bien, reprit-il, une fois la cuirasse bouclée, me voilà prêt à recevoir
Messieurs les Anglais. Nous les allons tolérer dans le pertuis breton, mais
s’ils sont si hardis que d’approcher de plus près de La Rochelle, il n’en
échappera pas un, tant j’ai donné ordre à tout. D’Orbieu, plaise à vous de me
suivre jusqu’à Chef de Baie. J’aurai se peut quelque mission pour vous.
    — Je suis à vos ordres, Sire, dis-je laconiquement,
sachant bien que Louis n’aimait ni les longues phrases ni les grands
compliments.
    Le camp qui, il y avait une heure à peine, se préparait
quiètement à vivre une journée de siège, si semblable aux autres en sa morne
monotonie, se trouvait en plein branle-bas, la nouvelle s’étant répandue,
maugré le secret militaire si cher à l’exempt de Monsieur de Bellec. Et autant
nous avions trotté gaillardement de Surgères à Pont de Pierre, autant il fallut
ralentir, quand nous prîmes les chemins de la circonvallation. Tant est que
nous arrivâmes à Chef de Baie bien plus tard que nous n’eussions voulu,

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