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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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frère,
pour la raison qu’elle s’attend à ce que Louis élève son mari, après son
exploit naval, dans l’ordre de la noblesse. La dame, lasse d’être baronne,
brûle d’être marquise comme sa grande et intime amie, Madame de Brézolles.
    — Quoi ? Elles sont amies ?
    — Intimes et immutables. À telle enseigne que lorsque
les La Luthumière viennent à Nantes, ils ne logent pas chez le gouverneur comme
le voudrait le protocole, mais chez Madame de Brézolles, dont l’hôtel jouxte le
nôtre.
    « Mon Dieu, m’apensai-je, elle est si proche de
moi ! » Mon cœur se mit incontinent à cogner contre mes côtes, et mes
mains à trembler, tant est que je les cachai promptement sous la table.
J’imagine que je pâlis aussi, mais mes frères étant un peu chiches en
chandelles, la lumière se trouvait trop faible pour qu’ils s’en aperçussent.
J’attendis un moment que ma voix redevînt claire et forte en mon gargamel, tout
en répétant à moi-même : « Ô Vérité utile, ne tarde pas plus outre,
viens donc à mon secours ! »
    — Je ferai donc, dis-je du ton le plus naturel et le
plus enjoué, d’une pierre deux coups. Je verrai Madame de La Luthumière, et je
ferai la connaissance de Madame de Brézolles.
    — Eh quoi, dit Olivier, vous logez dans son château de
Saint-Jean-des-Sables, et vous ne la connaissez pas ?
    — Mais point du tout. Elle était depuis deux jours
départie pour Nantes, quand son Intendante, Madame de Bazimont, prit sur elle
de m’héberger. Toutefois, Madame de Brézolles, apprenant cette initiative,
voulut bien l’approuver par une lettre-missive, trouvant sans doute que son
château, si je l’occupais avec mes Suisses pendant le siège, serait mieux
remparé contre les déserteurs et les caïmans.
    Après ce discours nous allâmes nous coucher. La nuit est
longue à qui espère, et il devrait pourtant en être content, car elle est plus
longue encore à qui désespère, ou de sa vie, ou de sa belle. Sur les dix heures
de la matinée, n’y tenant plus, je dépêchai mon Nicolas à Madame de Brézolles,
porteur d’un billet dont voici la teneur :
     
    « Madame,
    « Bénéficiant, grâce à la
gentillesse de Madame de Bazimont, de l’insigne privilège d’être, en votre
absence, et sans avoir l’heur de vous connaître, votre hôte en votre beau
château de Saint-Jean-des-Sables, je vous serais très reconnaissant d’avoir la
bonté de me recevoir, afin que je puisse vous dire de vive voix l’infinie
gratitude que je garde, et garderai toujours, pour cette émerveillable
hospitalité.
    « Je suis, Madame, votre
très humble et très dévoué serviteur.
    Comte d’Orbieu. »
     
    Dès que Nicolas fut départi comme carreau d’arbalète, son
absence me parut longuissime, bien qu’elle n’excédât pas, en fait, dix minutes,
comme le béjaune ne faillit pas d’en faire la remarque, quand à ce sujet je lui
chantai pouilles.
    — Monsieur le Comte, dit-il, la grande porte déclose,
je fus reçu par un laquais, à qui je dis mes noms et qualités, et demandai à
parler au maggiordomo. À l’advenue de ce gentilhomme, laquelle fut fort
lente, Monsieur de Vignevieille, étant, comme vous savez, chenu, branlant, et
mal allant, marchant à petits pas, une épée inutile lui battant le flanc
gauche, et s’appuyant de la dextre sur une haute canne…
    — Trêve de descriptions, impertinent !
m’écriai-je. Viens-en au fait ! Parle !
    — Mais je ne fais que cela, parler ! dit Nicolas
avec un sourire si innocent qu’il lui eût ouvert incontinent les portes du
ciel. Quoi qu’il en fût, Monsieur le Comte, Monsieur de Vignevieille feignit de
ne me point connaître, et le front de marbre, prit mon billet pour l’aller
remettre à sa maîtresse, mais à une telle allure escargote que je me préparais,
songeant au temps qu’il prendrait pour revenir, à une longue attente. La Dieu
merci, il n’en fut rien ! Car tout à trac je vis, dévalant d’un pas léger
le grand escalier courbe, une accorte soubrette, gracieuse et court vêtue,
laquelle je « connaissais » comme on dit dans la Bible, mais qui
feignit, elle aussi, de ne point me connaître, tant est grand, dans cet hôtel,
Monsieur le Comte, le nombre des adeptes de la Vérité utile…
    — Parle ! Parle enfin, écuyer du diable ! ou
je te romps les os ! m’écriai-je, trémulant en mon ire. Que te dit la
chambrière ?
    — Madame de Brézolles, Monsieur le Comte, vous

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