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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’y tint
pas.
    — Monsieur le Comte, dit-il comme nous étions assis au
bec à bec dans la carrosse, puis-je vous poser question ?
    — Pose, Nicolas.
    — Quand arriverons-nous à Nantes ?
    — Dans trois jours, je pense.
    — Cela fait six jours de voyage, dit-il, fort
chaffourré de chagrin, et pour revenir tout autant, soit douze jours.
    — En effet.
    — Peux-je encore, Monsieur le Comte, vous poser
question ?
    — Pose, Nicolas.
    — Combien de temps sommes-nous pour demeurer à Nantes ?
    — Malheureusement, je ne le saurais dire : cela
dépendra du gentilhomme avec qui je vais négocier.
    Là-dessus, Nicolas, quelque effort qu’il fît, eut un air
tant malheureux, qu’à la fin, à la manière de Richelieu, je lui posai une
question dont je connaissais la réponse.
    — Il semblerait, Nicolas, que la longueur de cette
mission te contrarie ?
    — Monsieur le Comte, dit-il vertueusement, je n’ai pas
à être contrarié. Je suis à votre service. Et de votre côté, vous paraissez
fort content que cette nouvelle mission vous amène à Nantes.
    — Quoi de plus naturel, Nicolas, mes frères y vivent,
dis-je, jouant le chattemite, je serai si heureux de les revoir.
    — Et vous ne verrez personne d’autre ?
    — Si fait. Je tâcherai de faire la connaissance de
Madame de Brézolles.
    — Mais, Monsieur le Comte, dit Nicolas qui n’en croyait
pas ses oreilles, vous la connaissez déjà !
    — Nicolas, où diantre as-tu pris cela ? Elle était
départie de sa demeure deux jours avant que nous y fumes admis par la bonne
grâce de Madame de Bazimont.
    Nicolas tourna la tête vers moi et m’envisagea, béant, avec
la dernière incrédulité. Il est bien vrai que lorsque Madame de Bazimont, ayant
reçu quelques mois plus tôt une lettre de sa maîtresse, me fit part de cette
nouvelle version de l’histoire, je tombai, moi aussi, des nues. Toutefois, mon
étonnement dura peu. Car, connaissant la subtilité, pour ne pas dire le
machiavélisme, de Madame de Brézolles, je ne laissai pas de penser qu’elle
devait avoir de fort bonnes raisons pour modifier les faits. Et j’admirai
aussi, en y réfléchissant plus outre, l’emprise qu’elle devait avoir sur son
domestique, car cette version nouvelle ne pouvait être accréditée sans son
concours, ou à tout le moins, sans son silence.
    — Nous n’aurions donc jamais vu Madame de Brézolles ?
dit Nicolas en m’envisageant avec de grands yeux.
    — Ni vue, ni encontrée. Pensais-tu le contraire,
Nicolas ? dis-je avec reproche.
    — Oui, Monsieur le Comte, mais à vous ouïr meshui, il
me semble que j’ai dû me tromper.
    — Assurément, tu t’es trompé, et sais-tu
pourquoi ? Tu as confondu les deux vérités.
    — Parce qu’il y a deux vérités, Monsieur le
Comte ?
    — Oui, Nicolas, toujours. Il y a toujours deux vérités.
    — Et quelles sont-elles, puis-je le demander ?
    — Il y a, d’une part, Nicolas, la vérité des faits. Et
d’autre part, la vérité utile. En notre présent prédicament, c’est cette
dernière qui compte.
    — Je n’ai donc jamais vu ni encontré Madame de
Brézolles ?
    — Pas plus que moi, Nicolas ! C’est pourquoi, lui
ayant de grandes obligations pour avoir approuvé par lettre-missive
l’hospitalité qu’en son absence Madame de Bazimont m’a baillée, une fois à
Nantes, je tâcherai de me faire connaître d’elle, afin de lui présenter mes
infinis mercis.
    — J’entends bien, Monsieur le Comte, que vous lui
devez, en effet, beaucoup de gratitude, dit Nicolas qui ne manquait pas
d’esprit, dès lors qu’il avait réussi à dépasser la candeur de ses vertes
années.
    Tomba alors dans la carrosse un si grand silence que vous
eussiez cru ouïr un ange – se peut celui de la vérité outragée. Quoi qu’il
en fût, son battement d’ailes me piqua de quelque scrupule, et me tournant vers
Nicolas, je lui dis sur le ton le plus affectionné :
    — Nicolas, puisque aussi bien tu es autant que mon
écuyer, mon écolier et quasiment mon fils (il rougit de plaisir à ouïr ces
paroles), je ne veux point te cacher que la vérité des faits, pour un honnête
homme, est infiniment plus aimable que la vérité utile, et qu’il tâche d’y
adhérer le plus souvent qu’il peut. Cependant, il est des cas où tant de grands
intérêts sont en jeu, ou publics, ou privés, que la vérité utile devient,
hélas, une absolue nécessité.
    — Je l’entends bien ainsi, dit

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