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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’avoir pas eu
à opiner sur la seconde rebuffade qu’il avait infligée au garde des sceaux car,
autant sa première réplique m’avait semblé justifiée, autant la seconde m’avait
paru inéquitable, Marillac ayant montré tant de talent et de sérieux dans les
grands emplois auxquels le roi l’avait promis : surintendant des finances
de prime et depuis garde des sceaux.
    Par malheur, sa grande dévotion, en soi fort respectable, ne
laissa pas de l’incliner par degrés à une politique pro-espagnole et pro-papale
qui était loin, bien loin d’être celle du roi et du cardinal. Et comme
Marillac, outre une humeur escalabreuse et déprisante (comme ne le montrait que
trop l’écorne qu’il avait faite à Toiras), possédait une immense fiance en soi,
et aussi une croyance d’autant plus impérieuse en la justesse de ses vues qu’il
croyait les tenir directement de Dieu, il devint, les circonstances aidant, un
adversaire fort redoutable pour Richelieu et d’autant qu’il aspirait à le
remplacer. À la parfin, avec une complète méconnaissance du caractère de Louis,
il encouragea la reine-mère à « détruire » le cardinal et, en retour,
fut, avec elle, brisé. Mais je parlerai plus loin et bien plus en détail de
cette dramatique affaire, qui ne fut rien moins qu’une « révolution de
palais » qui, la Dieu merci, échoua.
    Le retour à Saint-Jean-des-Sables fut à peine venteux et
plus du tout pluvieux, et les embarras du chemin étant aussi moins conséquents
que le matin, nous pûmes, Nicolas et moi, marcher au botte à botte et échanger
quelques propos.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas, voulez-vous me
permettre de vous poser question ?
    — Pose, Nicolas !
    — Sa Majesté, ce matin, vous a dit qu’il était fort
content de vous et qu’il vous en ferait connaître sous peu les effets.
    — C’est bien ce qu’Elle a dit.
    — Monsieur le Comte, peux-je poursuivre ?
    — Tu le peux.
    — D’après Monsieur de Toiras, il lui aurait tenu le
même propos. Et Monsieur de Toiras l’a interprété comme la promesse d’un
maréchalat. Avait-il tort ?
    — Nenni, Nicolas.
    — Monsieur le Comte, si mes questions vous ennuient, je
peux demeurer bouche cousue.
    — Poursuis, Nicolas.
    — Bien que le roi ait adressé les mêmes paroles à
Monsieur de Toiras et à vous-même, il me semble qu’il ne peut s’agir de la même
promesse.
    — En effet ! Que ferais-je d’un bâton de
maréchal ?
    — En revanche, Monsieur le Comte, il se pourrait que
votre comté d’Orbieu soit érigé par le roi en duché-pairie.
    — Poursuis, Nicolas !
    — Je poursuis, Monsieur le Comte, avec votre
permission. Quand le roi vous a promis lesdits « bons effets », votre
visage a brillé de joie. Et un peu plus tard, quand vous eûtes quitté Sa Majesté,
il prit un air chagrin. Quant à Monsieur de Toiras, son visage était bien pis
que chagrin. Il rougissait de colère, laquelle il exhala en plaintes
véhémentes.
    — Mais je ne vois pas là une question.
    — Monsieur le Comte, la voici. Pourquoi, en ce qui vous
concerne, faire mauvaise figure à une bonne nouvelle ?
    — Puisque tu veux le savoir, je vais te répondre :
j’eusse préféré que l’annonce et les effets fussent concomitants.
    — Vous pensez donc que Sa Majesté pourrait ne pas tenir
sa promesse ?
    — Que nenni. Mais il la pourrait différer.
    — Et pourquoi cela ?
    — C’est un secret secrétissime…
    — Monsieur le Comte, mon Évangile est de rester bouche
cousue sur le moindre de vos propos.
    — Je le sais, t’ayant mis à l’épreuve plus d’une fois.
Écoute, fils, voici la vérité. Que ce soit quand il punit ses serviteurs ou
qu’il les récompense, le roi aime à les tantaliser.
    —  Monsieur le Comte, qu’est-ce donc que ce mot tantaliser  ?
    — Un verbe anglais, formé sur le nom d’un certain
Tantale, dont il ne se peut que tu n’aies jamais ouï parler.
    — Je crains que si, Monsieur le Comte, dit Nicolas en
rosissant.
    — Nicolas, que sont les bonnes leçons de tes maîtres
jésuites devenues ? Tantale était un roi grec, à vrai dire un triste sire,
lequel Zeus dépêcha en enfer où il se trouva plongé dans un lac limpide, sous
des arbres chargés de fruits. Petit supplice, diras-tu. Voire ! Chaque
fois que Tantale voulait boire, l’eau s’éloignait de ses lèvres et chaque fois
qu’il voulait manger, les fruits se retiraient de sa main.
    — Monsieur

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