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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ardents pour que nos deux
pays se réconcilient et redeviennent amis comme devant. Je suis, ma chère
alouette, avec un million de baisers, votre très fidèle. »
     
    *
    * *
     
    Je reçus cette lettre-missive au début de l’après-dînée et
incontinent fis seller ma monture pour me rendre chez le cardinal au château de
La Sauzaie. Par bonne chance, je l’y trouvai. Ayant glissé à l’oreille de
Charpentier qu’il s’agissait de nouvelles d’Angleterre reçues le même jour, il
le fit dire au cardinal, lequel incontinent me voulut bien recevoir, se
ramentevant sans doute qu’il m’avait envoyé à Londres en 1627 pour sonder les
intentions de Buckingham concernant l’île de Ré.
    — Monsieur le Cardinal, dis-je après les salutations
que, comme à l’ordinaire, il écourta, j’ai reçu d’Angleterre une lettre de My
Lady Markby qui me dit beaucoup de choses du plus grand intérêt sur la
situation à Portsmouth. Mais peut-être devrais-je vous dire au préalable,
Monsieur le Cardinal, qui est My Lady Markby.
    — Mais je me ramentois très bien, dit promptement le
cardinal, que My Lady Markby est une amie de votre père qui est devenue la
vôtre, vous logea en 1627 à Londres et vous a grandement facilité la mission
que Louis vous avait confiée.
    Je demeurai coi quelques secondes, admirant cette admirable
mémoire, dont je savais que le cardinal, si je puis dire, graissait les rouages
tous les jours en apprenant par cœur, en se levant, une page de latin. Chose
digne de remarque, il ne s’agissait pas de latin d’Église, mais de Tite-Live,
de César ou de Cicéron, écrivains politiques, les seuls qui, à ses yeux,
fussent intéressants.
    — Eh bien, dit-il, Monsieur d’Orbieu, que ne lisez-vous
cette lettre ?
    — La voici, Monsieur le Cardinal, et je
commençai : « Ma chère française alouette… »
    — Alouette ? dit le cardinal en levant le sourcil.
    — Éminence, c’est le surnom que donnait My Lady Markby
à mon père et meshui, à moi. Les Anglais raffolent de ces petites absurdités.
Elles les font rire et en même temps elles expriment leur affection pour ceux à
qui elles s’adressent.
    — Poursuivez, Monsieur d’Orbieu, dit Richelieu sans
sourire le moindre.
    Je poursuivis et le cardinal écouta la lettre d’un bout à
l’autre avec la plus grande attention.
    — Il y a bien, dit-il quand j’eus fini, quelque
outrance féminine dans le propos de My Lady Markby, mais il n’empêche qu’elle
ne manque pas de clairvoyance quand elle prévoit que les Anglais pourraient
« faire mieux » que tuer le docteur Lamb. Quelle est la date de cette
lettre, Monsieur d’Orbieu ?
    — Elle n’est pas datée, Monsieur le Cardinal, et elle a
mis certainement quelques jours à me parvenir, car elle avait été adressée de
prime à mes frères à Nantes.
    — C’est ce qui explique, dit Richelieu, que la
prédiction de My Lady Markby soit en retard sur l’événement. Monsieur d’Orbieu,
reprit Richelieu, qu’avez-vous ouï dire à Londres en 1627 touchant les rapports
de la reine Henriette-Marie avec Bouquingan ?
    — Qu’ils étaient exécrables, Éminence. Bouquingan a
persécuté la pauvre reine en tant que Française, en tant que catholique et en
tant que femme, de la façon la plus mesquine. Il n’est pas de mauvais tour
qu’il ne lui ait joué, ou de méchantise qu’il ne lui ait faite, ou de fielleuse
calomnie qu’il n’ait inventée sur elle. À telle enseigne qu’il a, à la parfin,
succédé à la brouiller avec le roi Charles.
    — Et c’est ce qui explique, Monsieur d’Orbieu, dit
Richelieu avec un air gourmand qui ne lui était pas habituel, que ce soit
Henriette-Marie qui a communiqué au plus vite à Louis la bonne nouvelle quand,
à Londres, elle apprit par Charles bouleversé que Bouquingan à Portsmouth avait
été assassiné.
    — Le duc assassiné ? dis-je béant.
    — Monsieur d’Orbieu, ne vous ai-je pas laissé entendre
que la lettre de Lady Markby était à courte échéance prémonitoire ?
Bouquingan fut tué le vingt-trois août d’un coup de couteau en plein cœur par
un nommé John Felton, officier sans emploi et sans solde. Nous l’avons su par
un serviteur qu’Henriette-Marie nous a dépêché, lequel clandestinement a
succédé à passer la Manche et à gagner notre camp. La lettre de Lady Markby,
ajouta le cardinal, n’en est pas moins intéressante à plus d’un titre.
    — Monsieur le Cardinal, dis-je,

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