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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et meurtrier contre cette
maudite baie, que la flotte française, et les bateaux coulés, et les palissades
en quinconce, la digue enfin et les batteries côtières rendaient imprenable.
    « Autre insufférable absurdité : la présence à
leur bord, voulue par Buckingham, de cinq mille soldats, parasites tout à plein
inutiles, car ils ne pourraient jamais débarquer sur des côtes hérissées de
forts et de redoutes, ni affronter une armée quatre fois plus nombreuse que la
leur…
    « La présence des soldats ajoutait à l’exaspération des
marins : ils encombraient les ponts, ils les salissaient de leurs
vomissures et mangeaient leurs rations. Déjà, dès le quinze octobre, les vivres
commençaient à manquer et de petits bâtiments anglais, à prudente distance de
Chef de Baie, débarquaient à la pirate sur les côtes françaises et enlevaient
deux ou trois bêtes aux villageois. Voilà où on en était : la grande
escadre vivait de mesquines maraudes et n’attaquait plus…
    — Si je vous ai bien entendu, Monsieur, ce sont les
marins et les capitaines anglais qui ont mis fin à la guerre entre l’Angleterre
et la France, et du même coup, à la guerre fratricide entre les Rochelais et nous.
Et ils l’ont fait, rien qu’en n’obéissant point aux ordres de leur amiral.
    — C’est bien là le point, Madame. Libérés du papisme,
les Anglais se libérèrent aussi du respect religieux qui, en France, entoure
encore le souverain. Ils sont fiers de leurs institutions et ils entendent que
le roi les respecte. S’il ne les respecte pas, ils lui feront des
« remontrances ». Et s’ils estiment qu’une expédition royale n’est
que pure folie, ils cesseront d’obéir.
    — Mais n’était-ce pas là, Monsieur, démontrer la vertu
souvent méconnue de la désobéissance ?
    — Madame, il serait discourtois de ma part de ne pas
vous laisser en conclusion de notre entretien le privilège féminin du dernier
mot. Mais, la Dieu merci, nous n’allons pas nous séparer encore. La guerre est
finie, mais la paix n’est pas encore gagnée. Et pour la gagner, le roi et le
cardinal vont avoir besoin des grandes qualités qu’on leur a déjà
reconnues : la fermeté et la modération.
     
    *
    * *
     
    Dès que je sus par Fogacer (lequel sans doute aucun le
tenait lui-même du nonce Zorzi) que Lindsey avait demandé et obtenu une trêve
de quinze jours, je jugeai que cette trêve n’était qu’une façon déguisée de se
diriger en tapinois vers un traité de paix. Et comme d’un autre côté la
nouvelle, vue son origine (le nonce sachant toujours tout sur tout), me parut
tout à fait sûre, je me rendis au lever du roi qui, Dieu merci, n’était plus à
Surgères (longuissime chevauchée, comme on l’a vu) mais à Laleu, où il s’était
établi [72] non loin du logis du cardinal dès
l’apparition de la flotte anglaise dans le pertuis breton.
    À ma grande désolation j’y encontrai une foule de gens, dont
certains grands personnages qui n’étaient amis ni du roi, ni du cardinal et
avaient même fait des vœux pour l’insuccès de nos armes, mais qui, informés en
toute probabilité par Londres (comme je l’avais été moi-même), venaient
d’arriver de Paris, ayant galopé à brides avalées de clocher en clocher pour
arriver à temps au secours de la victoire. Que je nomme enfin ces
vaillantissimes : le duc d’Orléans [73] , le duc de Bellegarde et le duc de
Chevreuse, accompagnés de tant de moindres seigneurs de leurs suites
respectives, que je vis d’un coup d’œil que je ne pourrais jamais approcher Louis.
    Je désespérais quand surgit à ma dextre le géantin capitaine
Du Hallier dont je revis avec plaisir la grosse trogne et la barbe rousse.
    — Du Hallier, lui dis-je à l’oreille, comment traverser
ce beau monde que je vois là, pour parvenir jusqu’au roi ?
    — Rien de plus facile, Monsieur le Comte, le roi m’a
ordonné dès votre advenue de vous frayer un chemin jusqu’à lui.
    — Ah ! dis-je au comble de la joie, voilà qui va
bien !
    — Et mieux encore que vous ne le pensez, dit Du Hallier
avec un air de mystère. Allons ! me dit-il, à l’assaut ! Permettez,
Monsieur le Comte, que je vous tienne par le bras et que je vous pousse devant
moi.
    « Messieurs ! cria-t-il d’une voix stentorienne
qui domina de beaucoup le brouhaha qui s’élevait de ce brouillamini de
courtisans courbés. D’ordre du roi, laissez passer le comte d’Orbieu !
    Et,

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