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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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prêter ce qu’il faudrait. Comme on voit,
prévenances et caresses allaient de pair.
    Lord Montagu, très touché de ces égards, dévorait à dents
aiguës « notre merveilleuse cuisine française » et but à lui seul un
flacon entier de mon vin. Mais n’étant pas accoutumé à un breuvage aussi
benoîtement sournois, il se sentit à la fin de notre repue quelque peu
sommeilleux et quit de moi la permission de se retirer en sa chambre. Il ajouta
avec un sourire :
    —  My dear Duke, I’m afraid I am as drunk as a Lord [77] .
    Sur quoi je ris, et il rit aussi. Je fis signe à Madame de
Bazimont de l’accompagner à l’étage, et je fis bien, car il s’appuya de la
dextre sur son épaule dès qu’il fut debout et s’en alla à pas petits et
vacillants.
    Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées que Madame de
Bazimont revint à nous le cheveu décoiffé, la face rouge, le tétin haletant.
    — Madame, dis-je, qu’est cela ? Vous voilà toute
déconfortée !
    — Ah, Monseigneur ! dit-elle le souffle court. Le
Lord !… Le Lord anglais ! (Ce qui, je crains, était un pléonasme.)
    — Eh bien, qu’a-t-il fait ?
    — À peine la porte de sa chambre déclose, il m’a donné
une forte brassée et je ne sais combien de poutounes sur toute la face.
    — Lèvres comprises ? demandai-je gravement.
    — Je ne saurais préciser, dit Madame de Bazimont avec
pudeur. J’étais si trémulante !
    — C’est que le point est important, Madame. S’il n’a
baisé que les joues et le front, c’est de l’affection. Mais s’il vous a
poutouné les lèvres, c’est qu’il a appétit à vous.
    — Serait-ce Dieu possible ? s’écria Madame de Bazimont,
agitée de sentiments divers et peut-être contradictoires.
    — Madame, dis-je, de grâce, réfléchissez. Si vous vous
sentez outragée, Lord Montagu, qui est mon hôte, devra demain me rendre compte
de son audace.
    — Dieu bon ! s’écria Madame de Bazimont. Un
duel ! Un duel dont je serais la cause ! Ce n’est pas Dieu
possible !
    — Madame, je me permets de répéter ma question :
vous sentez-vous outragée ?
    — Outragée n’est pas vraiment le mot, dit Madame de
Bazimont, s’efforçant de parler à la franche marguerite. L’audace du Lord
n’était pas en soi si déplaisante. Toutefois, je me suis sentie piquée qu’il me
traitât comme une chambrière.
    — J’entends bien, Madame, c’est une question de rang.
D’un autre côté, Madame, n’est-ce pas flatteur que Lord Montagu vous ait
préférée à ces sottes caillettes qui, parce qu’elles ont vingt ans, se croient,
se peut, plus belles que vous ?
    — En effet, dit Madame de Bazimont, si l’on voit les
choses ainsi, l’incident prend une tout autre couleur. Monseigneur, plaise à
vous et à Monsieur et Madame de Clérac de n’en rien dire à Madame de Brézolles
quand vous la reverrez. Je ne voudrais pas qu’elle croie que je me dévergogne.
    Je lui en donnai l’assurance et Nicolas aussi. Henriette,
quant à elle, gardait à l’intendante une immense gratitude des bons soins
qu’elle avait pris de sa santé quand elle s’était échappée, maigrelette et
languissante, de l’enfer rochelais. Elle se leva, l’embrassa à cœur content, et
la voulut raccompagner dans sa chambre.
    Quant à moi, Madame de Bazimont retirée avec ses rêves, je
m’allai coucher, suivi de Nicolas.
    — Je n’aime point trop ce Lord anglais, dit Nicolas en
m’aidant à me déshabiller.
    — Diantre ! dis-je, et pourquoi cela ? Que
t’a-t-il fait ?
    — Je trouve que pendant le souper il a un peu trop
envisagé Henriette.
    — Envisagé ou dévisagé ?
    — Je n’irai pas jusqu’à « dévisagé ».
    — N’est-ce pas bien naturel ? Il vient de passer
un mois à bord du navire amiral de Lord Lindsey. Et Henriette est assurément
plus agréable à regarder qu’un tas de marins hirsutes et mal lavés. Nicolas,
vas-tu pour si peu te piquer de jalousie ?
    — En fait, je ne suis pas tant jaloux qu’étonné.
    — Étonné ? Et pourquoi es-tu étonné,
Nicolas ? dis-je en levant les sourcils.
    — Parce que les Anglais ne sont pas réputés aimer
autant le gentil sesso que les Français ou les Italiens.
    — Où as-tu pris cela ? Ils l’aiment tout autant,
mais ils le montrent moins. Rassure-toi, Nicolas, l’Angleterre n’est pas
menacée de dépopulation…
    — Dès lors, pourquoi ne montrent-ils pas cet amour,
puisqu’ils le

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