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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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chaire à bras.
    —  Primo, nous accordons à Bassompierre une armée
soi-disant indépendante. Quels sont les inconvénients de ce choix pour Votre
Majesté ? Aucun. Car les régiments de Bassompierre, Sire, ce sont les
vôtres. Les colonels de ces régiments, Sire, c’est vous qui les avez nommés.
Bassompierre, certes, aura les canons, mais c’est vous, Sire, qui lui fournirez
les boulets. Il aura des finances mais d’où viendront les pécunes ? De
vous encore. Y a-t-il apparence que Bassompierre puisse dans ces conditions se
rebeller contre Votre Majesté et lui jouer de méchants tours ?
    Ici, Richelieu se tut, les yeux fixés sur le roi, avec
toutes les apparences d’une benoîte humilité comme s’il pensait que les raisons
qu’il venait d’exposer ne seraient bonnes à ses yeux que si son maître les
tenait pour telles.
    — Poursuivez, mon cousin, dit le roi.
    —  Secundo , reprit Richelieu. Nous refusons à
Bassompierre son armée indépendante. Il nous demande alors son congé, et
l’ayant rebuté une première fois, nous ne pouvons pas le rebuter une deuxième
fois et nous le lui accordons. Et voilà notre homme qui retourne en Paris, loin
de nos yeux et de nos oreilles, pour y faire « le bourgeois », en
réalité, pour se vautrer dans les filets et les ensorcellements des vertugadins
diaboliques. Le péril serait alors très grand, pour la raison que, pendant que
nous sommes céans au diable de vauvert, occupés à ce siège, nos chers amis, le
duc de Lorraine, le duc de Savoie et l’empereur d’Allemagne qui, depuis le
début du siège, complotent contre Votre Majesté et se demandent s’ils ne vont
pas tirer parti de votre éloignement pour empiéter sur vos terres, trouveraient
peut-être expédient de recruter Bassompierre et de lui donner des soldats, des
armes et des pécunes pour faire le dégât à nos frontières et, qui sait même, à
Paris.
    — J’y vais songer, dit Louis qui, à mon sentiment,
avait déjà pris son parti mais ne voulait le dire si promptement. Monsieur
d’Orbieu, avez-vous autre chose à ajouter à votre récit de votre entretien avec
le maréchal de Bassompierre ?
    Cette fois, je pris mon parti sans hésiter le moindre, puisque
Richelieu m’avait convaincu en même temps que le roi du danger de laisser
départir Bassompierre.
    — Sire, dis-je, au moment de le quitter, mon père
demanda au maréchal ce qu’il pensait de ce siège et le maréchal répondit par
une boutade.
    — Qu’a-t-il répondu ? répliqua le roi avec une
défiance.
    — Voici, Sire, ses paroles, sans addition ni
retranchement : « Vous verrez que nous serons si fols que de prendre
La Rochelle. »
    Le roi pâlit :
    — C’est là, s’écria-t-il, une parole traîtreuse !
    — Ou frondeuse, dit Richelieu avec un sourire. Vous
connaissez, Sire, le goût du maréchal pour les paradoxes et les bons mots,
fussent-ils d’un goût douteux. Sire, me permettez-vous un avis ?
    — Je vous ois.
    — Jetez, Sire, cette petite braverie dans la gibecière
de votre remembrance. Vous l’en retirerez dans les occasions, si de telles
occasions se représentent.
    — Soyez bien assuré, alors, que je n’y manquerai pas,
dit Louis, les dents serrées.
     
    *
    * *
     
    Il me restait à annoncer à Bassompierre qu’il avait partie
gagnée, et que le roi acceptait ses exigences. À ouïr cette étonnante nouvelle,
il n’eut pas l’air aussi satisfait qu’il eût dû l’être et l’idée me vint qu’il
eût préféré partir sur un refus, tant, sans doute, l’idée le ragoûtait peu de
contribuer, par sa valeur, à une victoire dont les conséquences, glorieuses
pour le roi et le cardinal, allaient à l’encontre des intérêts de la cabale à
laquelle, meshui, il appartenait. Si nous avions été sur le même pied d’amitié
qu’autrefois, je n’aurais pas laissé de lui dire qu’il s’était fort compromis
par sa messéante boutade, que ni le roi ni le cardinal ne l’oublieraient
facilement et que, de ce jour, à leurs yeux, il devenait suspect.
    Mais sa froideur et sa distance à mon endroit me
découragèrent de l’avertir du péril qu’il courait, convaincu que j’étais que
mon intervention ne serait de nulle conséquence, Bassompierre étant, d’ores en
avant, sourd à toute voix qui ne fût pas celles de ses sirènes.
    Sur le chemin du retour, je tombai dans un grand pensement
sur la mission que j’avais non sans peine accomplie en apazimant la

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