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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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querelle
des chefs. J’avais lieu d’en être, pour ma part, satisfait, et pourtant, je
l’étais assez peu, songeant avec beaucoup d’appréhension à l’avenir, car il ne
m’échappait pas que même la prise de La Rochelle ne mettrait pas fin à la
cabale, puisqu’il m’avait été donné d’assister à cet éhonté spectacle : un
maréchal de France souhaitant implicitement la défaite des armées de son roi.
    Nicolas se gelait dans une écurie mal close et fut fort aisé
de prendre avec moi le chemin du retour. Nos juments glissaient dans la boue et
il tombait cette même petite pluie froidureuse qui ne nous avait quasiment pas
quittés depuis notre advenue céans. Le ciel, si on peut encore parler de ciel,
n’était qu’un couvercle bas et noir sans aucune faille blanche qui eût pu
laisser espérer qu’il existait encore un soleil. Mais, lecteur, que je le dise
enfin, le paysage de mes mérangeoises était plus sombre encore. Toute lumière
l’avait quitté depuis que j’avais appris – et de quelle imprévue
façon ! – que Madame de Brézolles allait le lendemain départir pour
Nantes. À éprouver tant de dépit et de chagrin, j’entendis bien avec quelle
force je m’étais attaché à elle et en si peu de jours, alors que je tâchais de
croire jusque-là qu’il ne s’agissait que de l’une de ces amourettes que mon
père a si souvent contées en ses Mémoires, lesquelles, nées des hasards d’un
séjour, meurent quand le séjour s’achève, sans laisser d’autres traces qu’un
souvenir qui revient quand et quand en la remembrance, accompagné d’une pensée
de tendresse et d’un petit pincement de regret.
    Nicolas trottait à mes côtés sans desserrer les dents,
sentant avec un infaillible tact le moment où il ne fallait rien dire. J’eusse
gagé qu’il savait aussi bien que moi le partement de Madame de Brézolles ;
ne fut-ce que par les palefreniers qui préparaient déjà la carrosse de leur
maîtresse, referrant les chevaux, changeant les essieux usés et les roues
branlantes, comme on le fait à l’accoutumée à la veille d’un long voyage.
    Le souper fut fort savoureux, mais je le savourai peu,
faisant quelque effort pour parler avec enjouement, alors que j’étais si
chaffourré de chagrin et mon père, de reste, ne me renvoyant la balle que très
faiblement, m’aimant au-dessus de ses enfants légitimes et étant fort rebroussé
à l’idée de me quitter, d’autant, comme il le confia un jour à La Surie, dans
un moment de faiblesse (car, à son ordinaire, il ne se plaignait jamais), qu’il
n’était pas certain – le siège menaçant de durer longtemps – de me
jamais revoir, vu son âge.
    De nous trois, c’était assurément Madame de Brézolles qui
gardait le mieux la capitainerie de son âme. Et je l’eusse, se peut, accusée de
froideur et de sécheresse, si je n’avais pas remarqué le petit tremblement qui,
par moments, faisait osciller ses boucles d’oreilles, alors même que son beau
visage était calme et serein. À la fin du souper, mon père, sous prétexte qu’il
était las, déclina l’offre de la tisane quotidienne dans le petit salon, et sur
un œil qu’il lui jeta, La Surie en fit autant, tant est que je demeurai seul
avec Madame de Brézolles, laquelle, toutefois, attendit que son valet, sur son
ordre, se retirât pour faire face au bec à bec contraint qui nous attendait.
    — Mon ami, dit-elle doucement, je vois bien que vous
êtes dans une grande fâcherie à mon endroit, et j’en entends bien la raison. Je
ne vous ai jamais touché mot de la grande nécessité où j’étais de me rendre à
Nantes le plus tôt que je pourrais. Quand vous êtes entré dans cette maison
pour mon plus grand bonheur, sachez que je désespérais de pouvoir y aller,
n’étant jamais parvenue à rassembler, en raison du siège, une escorte
suffisante pour ce long et hasardeux voyage. Tant est que lorsque votre père
parla lui-même de se rendre à Nantes pour y visiter vos demi-frères, femme de
prime saut que je suis, je trouvai si miraculeuse et si inespérée l’occasion,
protégée par ses soldats, de départir avec lui, que je lui en fis à la volée la
demande que vous savez, sans réfléchir que j’eusse dû vous en parler de prime
et vous expliquer le pourquoi de mon partement.
    — Madame, dis-je avec quelque gravité, vous m’avez
accueilli si généreusement en votre maison et m’avez donné tant de marques de
l’estime où

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