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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vous me tenez qu’il serait de ma part messéant de vous adresser des
reproches que vous ne méritez pas, et pis encore d’exiger de vous des
explications sur la nécessité pressante où vous êtes de vous rendre à Nantes.
    — « Estime », reprit Madame de Brézolles,
avec un petit sourire à la fois tendre et taquinant, n’est pas tout à fait le
nom que j’aurais donné à mon attachement pour vous, bien qu’assurément l’estime
y ait aussi sa place. Quant aux explications que vous voulez quérir de moi, je
vais néanmoins vous les donner. Si j’en prends l’initiative, j’espère que vous
les accueillerez volontiers et je vous prie, en tout cas, de me faire la grâce
de les ouïr.
    — Madame, dis-je, assez attendrézi par le sourire
qu’elle venait de m’adresser, je suis et serai en toute occasion votre dévoué
serviteur. Je vous écouterai très volontiers et vous aiderai, si je le puis.
    — Mon ami, votre dévouement, alors même que vous avez
quelque occasion de rancune à mon endroit, me touche infiniment et soyez bien
assuré qu’il ne sortira jamais de ma remembrance. Je possède un hôtel à Nantes
qui me vient de mon mari. J’y loge habituellement, ne venant à l’ordinaire à
Saint-Jean-des-Sables qu’à la belle saison. Or, après le décès de Monsieur de
Brézolles, lequel était dû autant aux excès que vous savez qu’à sa blessure, je
tombai, en rangeant ses agendas, sur notre contrat de mariage, lequel avait été
signé par mon père, et non par moi, comme le veut notre fâcheuse coutume. Et
lisant ce contrat, j’y découvris une clause si artificieuse et si scélérate
qu’elle me devait rober, à la mort de mon mari, mon hôtel de Nantes, lequel
reviendrait alors à ma belle-famille. J’écrivis aussitôt au juge de Nantes pour
faire opposition à cette iniquité. Par malheur, nul n’ignore qu’en de telles
circonstances, le premier tort d’un plaignant – le tort irréparable –
est d’être absent, car on ne sollicite bien les juges qu’au bec à bec, et si je
puis dire, de la main à la main…
    — La grand merci, Madame. J’entends enfin pourquoi il
était si impérieux pour vous de départir pour Nantes. Cependant, puis-je encore
vous poser question ? J’ai quelque connaissance de nos lois, et si vous
vouliez bien me dire de quelle clause il s’agit, il se peut que je puisse vous
aider.
    — Mon ami, dit Madame de Brézolles avec un soupir et un
petit air languissant, pardonnez-moi, mais je ne désire pas parler plus avant
de ce contrat. Cela nous enliserait dans un marécage de faits qui nous roberait
trop de temps alors que le temps qui nous reste est si compté et, partant, si
précieux qu’il pourrait être consacré à de plus aimables propos.
    Là-dessus, elle se leva de sa chaire à bras, et me dit d’une
voix basse et trémulante :
    — Dans un quart d’heure, mon ami, je serai dans mes
courtines et j’ai l’espoir que vous m’y viendrez retrouver.
    Elle s’éloigna alors, accompagnée par le long balancement de
son vertugadin dont elle savait bien que je le suivrais des yeux jusqu’à la
porte du salon qu’elle allait franchir de biais en soulevant des deux mains son
ample vêture. Ce geste, je le guettais toujours tant je lui trouvais une grâce
infinie et cette fois encore, qui allait être la dernière, tout chaffourré que
je fusse, je n’y manquai pas.
    Madame de Brézolles départie, elle ne quitta pas mes pensées
et je demeurai à son endroit dans une grande confusion. Non que je ne fusse pas
convaincu du véritable objet de son voyage à Nantes : les contrats de
mariage étant, jusqu’à la moindre virgule, si traîtreux et les querelles
d’héritage qui en résultaient si âpres, que le prédicament dans lequel se trouvait
Madame de Brézolles n’était que trop coutumier pour que je pusse le révoquer en
doute. Je n’ignorais pas non plus que Madame de Brézolles, ayant passé avec moi
un bargoin qui lui était si profitable, avait l’œil grandement sur ses
intérêts, et dans un cas comme celui-ci, qu’elle allait se battre pour les
soutenir, et du bec et des griffes.
    J’étais cependant quelque peu rebroussé qu’elle eût, même
avec sa suavité coutumière, refusé toute explication sur la clause scélérate
qui la menaçait. Il m’eût semblé plus naturel qu’elle s’en ouvrît à moi
puisqu’elle l’avait tant sur le cœur et, outre que son refus avait quelque
chose d’un peu

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