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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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était : le deuxième
personnage de l’État.
    Je dis l’État, et non le royaume, car dans le royaume la
reine-mère, la reine et Monsieur étaient tout après le roi, et Richelieu
n’était rien. Le rang et le pouvoir ne se trouvaient pas du même côté. Et
c’était là, je le dis tout à trac, la source de tous nos troubles et de nos
rébellions. Car, par malheur pour lui, le rang n’avait à aucun degré l’esprit,
l’étude, l’application, la suffisance [29] , le zèle qu’il eût
fallu pour diriger les grandes affaires. Il n’en était pas moins outré que le
pouvoir se trouvât entre d’autres mains que les siennes, et qu’il fût tombé
entre celles d’un rejeton de petite famille noble, tout au plus digne de
recevoir en province un petit évêché crotté. Et comme le rang ne pouvait s’en
prendre au roi qui était le premier du royaume, il nourrissait une haine âpre,
amère et jusque-là impuissante à l’endroit de celui qu’il appelait « ce
faquin de cardinal », remuant contre lui des projets d’assassination si
sottement conçus et si pauvrement exécutés qu’on n’avait pas eu de peine,
jusque-là, à les contrecarrer, mais non pas, hélas, à en supprimer la cause en
punissant leurs auteurs. Mais comment faire un procès, en effet, à la reine, à
Monsieur ou à la reine-mère ? Le rang était sacro-saint et, pour le roi
lui-même, à peu près inviolable.
    — Comte, prenez un siège, dit le cardinal, et dites-moi
sans tant languir ce qu’il en est de Bassompierre.
    J’ouvris la bouche, mais c’est tout ce que je pus faire, car
à ce même moment on toqua à l’huis, Richelieu donna l’entrant d’une voix
irritée et Monsieur de Lamont apparut, et craignant d’être tabusté par le
cardinal pour l’avoir dérangé sans son ordre, il cria aussitôt d’une voix
forte :
    — Sa Majesté le roi !
    Richelieu, avec une vivacité qu’on n’eût pas attendue de
lui, se leva comme un ressort qui se détend et le mouvement fut si rapide que
la chatte tomba en arrière et, se retournant en vol, toucha terre de ses pattes
et s’alla coucher avec un air de dignité tranquille sous la chaire de son
maître, tant est qu’elle était déjà invisible quand le roi entra. Il n’y eut
pas faute de notre part de bonnetades et de génuflexions quand Louis pénétra
dans la pièce, précédant de peu une chaire qu’un valet apportait dans le
cabinet bleu, lequel parut soudain beaucoup plus petit quand Louis y prit
place.
    — Sire, dit Richelieu, je vous croyais à Coureille.
    Le roi expliqua alors qu’il était sur le chemin quand on
vint lui dire que les pluies avaient endommagé l’ouvrage qu’il voulait
inspecter. Retournant alors sur ses pas, un autre courrier lui apprit que, ne
le trouvant pas à Aytré, je m’étais rendu chez le cardinal. Et impatient qu’il
était de savoir comment s’était passé mon entretien avec Bassompierre, il avait
poussé jusqu’à Pont de Pierre pour l’apprendre.
    — Monsieur d’Orbieu ne vient que d’advenir, dit
Richelieu. Il n’a pas encore commencé son récit.
    — Mais avant qu’il le commence, mon cousin, j’ai deux
mots à vous dire sur le projet de digue entre Coureille et Chef de Baie qui me
tracasse infiniment. Demeurez, d’Orbieu. Je connais votre discrétion.
    À vrai dire, je n’écoutai que d’une oreille, tenant alors le
projet de digue pour tout à plein chimérique. Raison pour laquelle j’envisageai
le roi d’abord avec une certaine anxiété, car il avait été fort mal allant,
mais me rassurant au fur et à mesure de mon examen. Il avait alors vingt-six
ans, et son visage était loin encore d’avoir perdu les rondeurs de l’enfance,
montrant des joues pleines et des lèvres si charnues qu’elles paraissaient
boudeuses. Le nez était droit, les yeux noirs, pensifs, méfiants,
mélancoliques, le front voilé par une frange de cheveux qui tombaient jusqu’aux
sourcils. Sa chevelure était châtain foncé, abondante et ondulée et elle
tombait en larges boucles sur ses épaules. Je ne trouvai pas sur son visage
l’ombre d’une ride, mais pas l’ombre non plus d’un sourire.
    Louis paraissait, en effet, à la fois plus jeune et plus
grave que son âge, et cette gravité corrigeait, à mon sentiment, ce que ce
visage, dans ses rondeurs et son apparente douceur, eût pu avoir de féminin. Je
dis apparente, car Louis, comme son père, s’irritait facilement et quand son
ire éclatait, ses yeux

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