La grande Chasse
groupe de chasse, ma première affectation. Plusieurs de mes anciens camarades sont morts. En revanche, le nombre des appareils russes abattus est devenu impressionnant. Le lieutenant L. de la 6e escadrille, et le capitaine S., chef de la 4e, totalisent chacun plus de cent victoires. Un de mes vieux copains de l'Ecole d'aviation, le sous-lieutenant Gentzen, s'est tué en décollant de la piste verglacée. Une heure plus tôt, il avait descendu son dix-huitième Rata.
Et dire que je ne fais plus partie de cette unité glorieuse ! Il y a de quoi s'arracher les cheveux.
Ici, le seul épisode intéressant est déjà vieux de plusieurs mois. L'automne dernier, on nous a envoyés, pour une huitaine de jours, dans la région de Kiel, sur la Baltique. Nous avons participé à des exercices combinés avec le cuirassé Tirpitz qui vient d'entrer en service. J'ai même fait un stage à bord du navire géant, comme officier de liaison.
8 février 1942.
Les îles de la Frise sont bloquées par les glaces. En plus de nos missions d'escorte, nous devons assurer le ravitaillement, le courrier, et, dans les cas urgents, le transport des malades. Si c'est pour cela qu'on nous a soumis à ce régime forcené, pendant nos quatorze mois d'instruction !
10 février 1942.
L'ensemble de la chasse allemande sur le front de l'ouest est en état d'alerte renforcée !
Une partie de notre flotte de haute mer — les cuirassés Prince Eugène et Gneisenau, plusieurs croiseurs et torpilleurs — doivent incessamment quitter Brest pour gagner, par la Manche, une base norvégienne.
Les Anglais vont certainement faire l'impossible pour les empêcher de passer.
Au-dessus de la Manche, l'activité aérienne rappelle les journées fiévreuses de la bataille d'Angleterre. De l'aube jusqu'à la tombée de la nuit, nos formations surveillent le ciel entre les côtes britannique et française.
La flotte a pris la mer.
Il fait un temps épouvantable. Nous volons par principe plutôt que par conviction, car on ne voit pas à cinquante mètres. Dans la soirée, nous nous installons sur un terrain de la côte hollandaise, afin de nous rapprocher du théâtre des opérations.
11 février 1942.
Au début de la journée, le brouillard à couper au couteau interdit toute sortie. Vers 10 heures, la visibilité s'améliore légèrement. Pendant des heures nous restons en état d'alerte « assise ». Il faut que nous puissions décoller en l'espace d'une minute.
Sans cesse nous parviennent les rapports des bases de la Manche.
Malgré le crachin, les Tommies attaquent sans répit. Nos pilotes signalent des combats contre des Swordfish, avions-torpilleurs archaïques dont la plupart ne pourront probablement pas regagner le sol anglais. Les pertes britanniques doivent être extrêmement élevées. Une fois de plus,notre ennemi prouve son courage et sa ténacité.
Sur notre terrain, on se croirait dans les steppes de Sibérie. Une furieuse tempête de neige balaie les pistes, hurle autour des bâtiments, s'acharne sur les fenêtres et les portes. Certaines rafales atteignent la vitesse de 120 km/h.
On annonce la fin de l'état d'alerte. Par une tempête pareille, le commandement renonce à nous engager.
12 février 1942.
Les navires allemands ont atteint le détroit Douvres-Calais.
Avec une rage désespérée, les Anglais poursuivent leurs vaines attaques. Pas un seul de leurs appareils n'a pu arriver à bonne portée de nos bâtiments. En revanche, les grosses pièces des batteries côtières de Douvres ont enregistré plusieurs coups au but.
Sans le mauvais temps, nos forces navales n'auraient jamais réussi à forcer le passage.
Pour nous, il n'est toujours pas question de décoller. Des fenêtres du mess, on distingue à peine la piste principale.
13 février
A 10 h. 16, alerte ! Décollage immédiat !
Cinq minutes plus tard, l'escadrille tourne au-dessus du terrain enneigé et s'étage en formation de combat.
Dans la Manche, nos bâtiments subissent les attaques incessantes de l'aéronavale britannique. Les Anglais engagent leurs derniers avions-torpilleurs. Leurs pilotes savent qu'ils ne pourront regagner leur base par leurs propres moyens, et ils se battent avec un courage forcené.
Nous avons ordre d'intercepter une formation de Blenheim.
La visibilité est encore mauvaise. Nos regards se vrillent littéralement dans la brume. Au-dessous de nous, la mer est très dure, un chaos de lames verdâtres aux crêtes écumantes. Une
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