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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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infinies).
    Cela nous permet de mieux comprendre, en dépit d’une absence totale de documents historiques ou philosophiques, quels contours donnaient les gens de l’époque mégalithique à leur divinité principale (et peut-être unique). Ces contours expriment tous la multiplicité dans l’unité. On en a la preuve à l’intérieur d’un monument, le cairn de l’Île-Longue, dans le golfe du Morbihan, aujourd’hui presque entièrement ruiné : à côté de l’idole triangulaire comportant des traits rayonnants extérieurs (chevelure ou rayons de soleil ?), on remarque une autre idole beaucoup plus arrondie, avec davantage de traits rayonnants, une troisième tout à fait en forme de bouclier, avec deux anses (bras ou oreilles ?) au sommet duquel apparaît un petit appendice pointu (tête ou « troisième œil » ?), et une quatrième idole, très simplifiée, en forme d’écusson carré muni d’une petite pointe supérieure.
    On retrouve une figuration semblable sur le plafond d’un des dolmens du cairn de Barnenez en Plouézoc’h (Finistère) : mais là, il n’y a plus que l’écusson, cette fois rectangulaire, avec deux incisions internes et des excroissances divergentes au sommet. Cette vision de la Déesse n’est pas propre à la péninsule armoricaine : on peut en effet remarquer des motifs semblables dans l’étrange monument de Changé-Saint-Piat, sur les bords de l’Eure, près de Maintenon (Eure-et-Loir).
    Il y a cependant des variantes régionales. À cet égard, les monuments du Bassin parisien offrent une surprenante simplification des formes. Dans le dolmen de Bellée (dont le nom évoque la divinité solaire gauloise), à Boury (Oise), l’idole écusson disparaît complètement : il ne reste plus qu’une figuration du collier, d’ailleurs très labyrinthique, surmontant des seins en relief. Il en est de même sur l’un des supports de la célèbre Pierre-Turquaise, à Saint-Martin-du-Tertre, en forêt de Carnelle (Val-d’Oise), et également à l’entrée du cairn d’Aveny, en Dampsmesnil (Eure), sur des coteaux dominant la vallée de l’Epte. Le collier, qui a toujours été un signe de distinction et de puissance, devient alors l’emblème d’une déesse maîtresse absolue de l’univers et des êtres qui le peuplent.
    En fait, l’alliance du collier et des seins n’est pas nouvelle : elle se remarquait déjà dans la grotte de Coizard (Marne) sur les murs de craie de cet hypogée authentique. Mais à Coizard, le visage n’était pas absent, pas plus que dans le dolmen de Collorgues (Gard). Dans ces deux monuments, le visage prend d’ailleurs de curieuses connotations : il s’agit bel et bien d’une tête de chouette. Cette représentation n’est pas sans rapport avec des images de la mer Égée (notamment sur des cylindres de craie), et l’on ne peut que penser à l’animal emblème de la déesse Athéna. Il faut en conclure que cette divinité, protectrice des défunts, est une déesse-oiseau qui voit dans l’obscurité des tombeaux et guide les âmes « vers les espaces d’une autre vie », comme le dit Chateaubriand dans une belle envolée lyrique. Il s’agit donc d’une double vision, celle du monde invisible pour le commun des mortels : les grandes légendes celtiques sur la présence de palais féeriques et d’un univers parallèle dans les cairns mégalithiques ne font que le confirmer.
    Mais une des spécificités de l’art dolménique armoricain réside dans le traitement du visage : celui-ci est soit seulement suggéré, soit franchement aveugle, comme c’était le cas pour les Vénus paléolithiques. À la fin de l’époque néolithique, vers – 2 000, la gravure sur dalle est remplacée peu à peu par la sculpture sur stèle. Un exemple très curieux est fourni par une stèle qui se trouve dans le cimetière du Catel en Guernesey, et qui est connue, dans le pays, sous l’appellation de « Grand-Mère du chimequière » : elle a été retaillée à une époque ultérieure, ce qui constitue la preuve qu’on continpuait à lui attribuer les fonctions d’une divinité féminine protectrice des défunts.
    Dans sa structure, cette stèle du Catel est analogue à celles qu’on peut voir au Crec’h Quillé en Saint-Quay-Perros (Côtes-d’Armor), au Trévoux (Finistère) et à Kermené en Guidel (Morbihan). Sur toutes ces stèles, une paire de seins en relief ne laisse aucun doute quant à la féminité de l’idole. Au

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