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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Catel et à Kermené, un collier est placé au-dessus des seins et remonte vers le cou qu’il ne contourne pas. Au Trévoux, ce collier n’est plus qu’un simple croissant sous la paire de seins. Mais c’est la stèle de Kermené qui est la plus impressionnante. Quoiqu’elle ait été brisée, on a pu en reconstituer facilement la tête : elle apparaît très stylisée, cylindrique, comme si le sculpteur avait voulu garder le visage dans son mystère. Il ne s’agit pas d’une maladresse ou d’une incapacité à représenter le réel, mais d’une volonté délibérée de néantiser le visage d’un être divin infini qu’on ne peut concevoir sous des formes finies.
    À la même époque, des représentations du même genre apparaissent sur des dalles simples et non sur des stèles. C’est l’indice d’une tendance qui ne tardera pas à triompher un peu plus tard dans ce qu’on appelle les « statues-menhirs ». C’est le cas dans de nombreux cairns, tels le Mougau-Bihan en Commana (Finistère), au Prajou-Menhir en Trébeurden (Côtes-d’Armor), au Mein Goarec en Plaudren (Morbihan), à Kerallant en Saint Jean-Brévelay (Morbihan) et à Tressé (Ille-et-Vilaine). « À Tressé, sur deux dalles de la cellule annexe, deux groupes de deux paires de seins sont mis en relief dans un évidement ; dans chaque groupe un collier est figuré sous la paire de seins de droite. Cette représentation d’une double idole constitue une autre caractéristique de l’art mégalithique de cette période du néolithique final […]. La petite cellule annexe de Prajou-Menhir est un vrai sanctuaire. Sur la droite, on y retrouve un groupe de deux paires de seins, comme à Tressé. Sur la gauche, il y a d’abord une idole carrée, délimitée par une ligne incisée doublée de cupules ; les épaules sont bien marquées ; le sommet est surmonté d’une curieuse équerre. Au centre de cette idole deux cupules marquent sans doute les seins. Sur la dalle suivante, on trouve deux motifs complémentaires, d’une part une idole sous la forme d’une paire de seins avec son collier de perles, et juste au-dessous et à droite, une sorte de palette allongée avec un manche étroit. Une énigme entoure ce dernier objet : longtemps considéré comme une figuration de pointe de lance, interprétation désormais combattue de toutes parts, il est en quête d’une autre signification 32 . » De toute évidence, il s’agit d’un objet cultuel en rapport avec une des fonctions prêtées à la Déesse, mais lequel ?
    Un fait certain demeure : la permanence, à travers les millénaires, d’une mystérieuse Déesse dont les représentations concrètes varient selon les époques mais qui est toujours ambivalente, génératrice de vie et de mort, mais aussi transformatrice puisque présidant au « passage » du monde visible au monde invisible. C’est la raison de sa présence, de plus en plus affirmée, au néolithique final, dans les tertres mégalithiques qui sont, semble-t-il en dernière analyse, autant des sanctuaires que des tombeaux, les deux fonctions se confondant comme ce sera plus tard le cas lors de l’édification des églises chrétiennes sur les tombeaux des martyrs et des saints. Mais bientôt, cette Déesse des Commencements va surgir de l’ombre où elle était confinée, dans les grottes et les cairns, pour apparaître dans la pleine lumière de ce soleil dont, en réalité, elle ne fait qu’incarner les forces créatrices et destructrices.
    Cela veut dire que ces représentations – bien que certaines aient été retrouvées dans des grottes naturelles (comme à Saint-Martin-d’Ardèche) ou dans des puits de mine (comme à Collorgues, Gard) – ne sont pas nécessairement liées à des monuments funéraires. Ces statues-menhirs, comme on les appelle généralement, sont abondantes dans le midi de la France, notamment dans le Gard et l’Aveyron. Celles qui sont masculines peuvent être datées de la fin du néolithique, mais celles qui sont nettement féminines sont plus récentes, de – 2 300 à – 1 850, c’est-à-dire à une période charnière entre le néolithique final et l’âge du bronze ancien. À vrai dire, ce seraient plutôt des stèles que des statues proprement dites, car elles ne sont pas taillées en forme de silhouette humaine, mais affectent une forme générale ovoïde qui semble une évolution du menhir primitif vers une certaine géométrisation. Seuls les yeux et le nez

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