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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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été occultée et « diabolisée » elle aussi, réduite à un oiseau de nuit qui vient tourmenter les vivants, dévorer les jeunes enfants et s’accoupler avec les hommes pour donner naissance à des multitudes de démons. En un sens, la Lilith hébraïque, comme la Sathana des Nartes, est une démone , ce que paraît bien avoir été la « Diane scythique » à laquelle font allusion les récits concernant Oreste, Électre et Iphigénie, autrement dit une Artémis solaire, maîtresse des animaux sauvages et des destinées humaines. L’Athéna grecque primitive, nocturne et donc détentrice des secrets de la nuit (l’intelligence intérieure), est un remodelage de cette divinité solaire universelle.
    Mais à comparer toutes ces statues-menhirs, on ne peut s’empêcher d’être troublé par une impression dominante d’ambivalence. Incontestablement, elles représentent des divinités solaires, mais ce sont pourtant des Vierges noires . Celle de Serre-Grand (Aveyron), conservée au musée des Antiquités nationales, a un visage qui se confond avec un rayonnement solaire surgissant du mystérieux objet fourchu tenu dans les mains de la divinité. De quelle lumière s’agit-il ? Celle de l’autre monde ou celle d’ici-bas ? Les deux à la fois, probablement, car la Déesse qui donne la vie est aussi celle qui donne la mort, et inversement. Une autre stèle, celle de La Verrière (Aveyron), conservée au musée Fenaille de Rodez, en donne une image légèrement différente : l’objet, plus que jamais analogue au Graal, devient une sorte de rectangle en creux situé au bas du ventre, ce qui évoque la matrice originelle où se réalisent les subtiles métamorphoses alchimiques de la naissance et de la renaissance au sein de l’ombre. Cette « Notre-Dame-de-la-Nuit » aura une longue postérité au Moyen Âge.
    Cette ambivalence mort/vie, ombre/lumière, profondeur/élévation atteint même le domaine sexuel proprement dit. L’une des plus étranges statues-menhirs que l’on connaisse, celle du Trévoux en Laniscat (Côtes-d’Armor), est nettement d’allure féminine : les épaules y sont bien dessinées, les bras sont nets, les seins bien marqués, avec un collier au-dessous, mais le visage est absent, dépourvu de nez et d’yeux. En revanche, à la base du cou et de la tête aveugle, on peut remarquer une sorte de renflement qui fait immédiatement penser à un phallus. Est-ce donc une représentation de la « mère phallique » si chère aux psychanalystes, toujours prête à resurgir de l’inconscient, ou bien la réminiscence de l’état primitif où l’être était nécessairement androgyne ?
    Une dernière ambiguïté demeure, celle de la joie et de la tristesse. Cette divinité des tertres est-elle une « Notre-Dame-de-la-Joie » ou une « Notre-Dame-des-Douleurs » ? On sait qu’au Moyen Âge, la Vierge Marie, dans toutes ses représentations, gardera cette ambivalence sans laquelle elle ne serait pas la Mère universelle. Quoi qu’il en soit des multiples circonstances dans lesquelles elle apparaît,
     
    La Princesse reste debout
    Comme un arbre où la sève bout,
    La Princesse reste rigide ;
    Et, passant sur son front algide,
    Tous les ouragans des effrois
    Lancent au ciel ses cheveux droits 35 .

Le triomphe de la Mère
    Le Moyen Âge chrétien
     
     
    On oublie trop souvent, surtout depuis que s’est en quelque sorte officialisé un antisémitisme endémique dans les civilisations européennes, que le christianisme est d’essence juive. Les Romains n’y voyaient pas autre chose qu’une secte juive, cette « abominable secte des christians  », selon les propres termes de Pline le Jeune, et les juifs orthodoxes du 1 er  siècle de notre ère le considéraient bel et bien comme une déviance, une hérésie, dangereuse autant pour la doctrine que pour l’ordre public. Mais on oublie également que l’idéologie de cette secte s’est transmise en Occident par le canal hellénistique et qu’elle a été coulée dans le moule mis en place par les philosophes grecs de l’Antiquité. Saint Paul, le véritable fondateur du christianisme, était un juif, citoyen romain, mais de culture grecque, ce qui n’est pas sans conséquences pour la suite des événements, notamment sur les contradictions internes de cette nouvelle religion issue d’une synthèse entre des spéculations hétérogènes.
    Parmi ces contradictions, deux paraissent incompatibles à première

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