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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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pouvant éliminer les images représentatives trop présentes autour des premières églises, on en vint à récupérer certaines d’entre elles et à leur donner une coloration toute chrétienne. Ce fut le cas pour la Vierge Marie, et il faut bien avouer que l’image de la Mère de Dieu doit beaucoup à Cybèle, tant du point de vue de la forme que du contexte.
    Il y a en effet beaucoup d’analogies entre l’histoire de Cybèle et celle de Marie. Cybèle forme un couple parfait avec son fils Attis, mais on ne parle jamais du père. Certes, Attis est un fils-amant, ce qui est conforme aux mythes les plus anciens de l’humanité, concept absolument rejeté par le christianisme, mais il n’en reste pas moins que les rapports entre Jésus et sa mère sont d’une grande force évocatrice. Mais Attis meurt, et Cybèle se désole, ce qui n’est pas sans suggérer l’image de la pietà, cette Mater dolorosa tant de fois représentée au cours des âges. Or l’essentiel est qu’Attis renaît, et cela chaque année, entraînant dans sa résurrection tous ses fidèles : on ne peut qu’être frappé par cette coïncidence, qui ne doit pas en être une, et l’on comprend que le culte métroaque ait été sur le point de détrôner le christianisme 60 . Quant à Cybèle elle-même, la Mère divine, elle ne pouvait que préfigurer l’image de la Theotokos .
    Mais le personnage de Cybèle était très marqué sexuellement. Or la notion d’amour exprimée dans le message évangélique dépassait de loin l’union sexuelle et visait à quelque chose d’universel et d’absolu. Le problème se posait d’adapter le modèle en l’épurant de tout ce qui rappelait, même de loin, les fêtes orgiaques et la prostitution sacrée qui encombraient le souvenir de la Grande Déesse aux multiples noms. Et très curieusement, les exactions du culte métroaque allaient fournir la réponse qui manquait. On sait en effet que les prêtres de Cybèle, les galles, au cours de cérémonies initiatiques encore mal connues, mais de caractère orgiaque, se châtraient volontairement dans le but de mieux servir la Déesse, soit pour mieux s’identifier à elle par féminisation, soit pour supprimer en eux toute tentation par une autre femme qui aurait fait oublier celle à laquelle ils se consacraient définitivement. C’était un acte exemplaire, surtout dans une société qui privilégiait la virilité. D’ailleurs, en accomplissant ce sacrifice qui les retranchait de la classe des guerriers, donc des actifs, les prêtres de Cybèle ne faisaient qu’actualiser le mythe d’Attis, châtré par lui-même, mourant symboliquement à la fin de l’année, mais renaissant immédiatement après. On comprend alors toute la portée de la « castration volontaire », telle qu’elle est exprimée par Jésus dans les Évangiles, et telle qu’elle a été pratiquée, du moins en principe, par ceux qui se prétendent les disciples du Christ. On comprend aussi beaucoup mieux la tendance pure et dure des Pères de l’Église à prôner les bienfaits de la chasteté et de la virginité, tendance qui se manifestera plus tard dans le vœu de chasteté monastique et le vœu de célibat sacerdotal. En éliminant les troubles parfums d’origine sexuelle qui émanaient encore des temples de la Grande Déesse, les organisateurs de l’Église romaine mettaient l’accent sur la disponibilité de tous ceux qui s’engageaient au service de Dieu et sur l’abandon volontaire de leurs fonctions sexuelles. C’est dans ce cadre que surgissait, épurée, rénovée, pudiquement confinée à son rôle maternel, la Vierge Marie, dotée de toutes les composantes qui se dissimulent sous son image. Si les déesses primordiales des mythologies anciennes étaient fécondées par le ciel, par l’air, ou par le feu, voire par un serpent, la Mère de Jésus a été fécondée par l’Esprit-Saint, et cette vague notion permettait de justifier sans l’expliquer la naissance insolite de Jésus, le Dieu fait homme.
    Il faut dire que l’Annonciation, telle qu’elle est rapportée dans les Évangiles, et notamment par saint Luc, est riche de symboles : l’ange est un messager mais non un agent  ; Marie est vierge et, bien qu’elle soit fiancée, elle entend bien le rester ; enfin, Marie accepte d’être la Mère de Dieu, la « porteuse d’infini », ce qui la hausse immédiatement au rang des déesses mères. Quant à Joseph, le « fiancé », qui, si

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