La grande déesse
Et surtout, la Crète peut être appelée l’île sainte de la Déesse.
C’est entre 3 000 et 1 400 ans avant notre ère que se développa la civilisation crétoise, en une période qui comprend la fin du néolithique et une partie de l’âge du bronze. Puis elle disparut brutalement, on ignore comment, et les Grecs n’en conservèrent que des souvenirs très vagues à travers des légendes qui posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Toutes les hypothèses sont permises, en particulier celle d’une catastrophe naturelle, ou encore d’une invasion étrangère qui aurait ruiné les établissements crétois.
On peut alors parler de ces mystérieux « peuples de la mer » qui se sont également manifestés en Égypte, sans qu’on puisse savoir d’où ils venaient exactement, mais en qui il est possible, sous toute réserve, de reconnaître les rescapés de l’Atlantide, si l’on prend au sérieux les deux récits essentiels sur ce sujet transmis par Platon dans le Timée et le Critias : d’une part les Atlantes auraient été des navigateurs hors pair, donc des « peuples de la mer », et d’autre part leur puissance aurait été la conséquence de l’union sacrée de Poséidon, dieu des tremblements de terre (et non pas de la mer !) et de la fille d’un autochtone atlante nommée Clito, c’est-à-dire « magnifique », évident symbole de la Déesse des Commencements.
Quant au caractère gynécocratique de la civilisation crétoise, prouvé par le culte d’une divinité féminine, maîtresse des serpents et des animaux sauvages, il se retrouve de façon très nette, et néanmoins très mystérieuse, dans la légende bretonne-armoricaine de la ville d’Is : cette ville, peut-être plus historique que mythique, est en effet régie par une princesse dont le nom est Dahud, dérivé du gaulois Dagosoitis signifiant « bonne sorcière », princesse maudite et diabolisée dans la version chrétienne de la légende, engloutie par la colère de Dieu avec sa cité – écartée, occultée par les forces androcratiques cristallisées dans la religion du Dieu père.
De plus, si l’on a retrouvé des documents écrits par les Crétois eux-mêmes, leur langue demeure encore incompréhensible. Mais les fouilles archéologiques entreprises au début du XX e siècle par le Britannique EÉvans ont mis en lumière certains points essentiels de cette civilisation. Les Crétois étaient un peuple pacifique, vivant surtout de la navigation, constituant une communauté très gynécocratique régie par un roi-prêtre, le minos , terme qui a été pris comme un nom propre, mais qui n’était en réalité qu’un titre. Et il semble bien que les Crétois n’aient une qu’une seule divinité, la déesse mère, dont le minos était l’interprète et le principal desservant.
Cette déesse crétoise paraît avoir été la maîtresse absolue de tous les êtres vivants. Elle était représentée comme une femme très belle, vêtue d’une longue robe richement décorée mais laissant les seins nus, avec les bras levés, tenant dans chaque main un serpent et la tête surmontée d’un animal en lequel on peut reconnaître soit un oiseau, soit un chat. Ainsi apparaît-elle dans cette magnifique statue provenant de Knossós et conservée actuellement au musée archéologique d’Héraklion. On sait également que cette déesse n’avait pas de temple proprement dit et que le culte qu’on lui rendait se tenait en plein air, sur des collines ou des tertres, et que bien souvent le prêtre-roi ou la prêtresse qui officiait s’asseyait sur un trône encadré de deux cornes. Cette caractéristique, prouvée archéologiquement, et la certitude que les cérémonies comportaient des courses de taureaux sans mise à mort de ceux-ci, appellent une interprétation en profondeur du célèbre mythe du Minotaure.
Celui-ci ne nous est malheureusement connu qu’à travers l’imaginaire des Grecs, mais certains éléments traduisent une réalité antérieure incontestable. D’après la légende, Minos était un roi de Crète, un roi-prêtre bien entendu, et avait pour épouse une certaine Pasiphaé. Poséidon leur avait offert en présent un magnifique taureau dont Pasiphaé était tombée amoureuse. Elle s’était alors métamorphosée en génisse et s’était unie au taureau, donnant ensuite naissance à un monstre cruel mi-humain, mi-bovin, le Minotaure. Minos, pour cacher sa honte, aurait alors
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