La grande déesse
son fils Hippolyte, lui-même prêtre de la Déesse, mais sous son nouveau nom d’Artémis. Il n’en reste pas moins vrai que le palais de Knossós demeure le sanctuaire de la Déesse, non pas le nombril du monde, mais le centre absolu autour duquel s’organisent les spirales qui conduisent à l’existence.
Les Crétois, sous le nom de Minoens, ont laissé des traces dans le domaine proprement grec. En Crète même, la ville de Gournia, assez récente, et dont on ignore le nom ancien, était un sanctuaire de la Déesse des Commencements. Mais c’est surtout dans l’antique île de Théra que les Minoens en ont importé le culte, en particulier dans cette ville d’Akrotiri dont les ruines contiennent d’innombrables figurations sous forme de fresques : la Déesse aux Serpents est toujours présente et veille sur sa lointaine descendance, car les Grecs, tout indo-européens qu’ils étaient, et soumis à un système patriarcal particulièrement contraignant, ont sans s’en rendre compte assimilé le culte et les croyances concernant l’antique déesse néolithique de la mer Égée ; alors, elle réapparaîtra sous différents noms, suivant les époques et surtout suivant les influences diverses subies par le monde hellénique.
Si tant est qu’on puisse remonter très loin dans le temps, on peut admettre, sur la foi des récits d’Hésiode, que la théologie grecque reposait sur une union sacrée entre Ouranos, le Ciel (le Varuna védique), et Gaia ou Gê, la Terre mère, la même que celle honorée dans les Cyclades. De ce hiérogame sont issues plusieurs lignées d’entités divines réparties, comme il se doit dans une société qui se veut rationnelle, en plusieurs générations. On en arrive ainsi au couple titanesque Kronos-Rhéa d’où naissent tous les dieux et tous les humains. Mais Kronos, en qui on peut voir l’incarnation du Temps, le plus jeune des Titans, détrône son père et prend sa place, acte symbolique qui marque l’évolution des spéculations métaphysiques. C’est pourquoi, pour éviter d’être détrôné à son tour, Kronos dévore ses enfants dès leur naissance. Mais il se fait berner par la femme, la déesse mère Rhéa, qui lui fait avaler des pierres, substitution dont il ne s’aperçoit pas à cause de sa gloutonnerie. Alors apparaissent des entités divines qui vont prendre, sous différentes appellations et différentes fonctions, la suite efficiente de la Déesse des Commencements, devenant, au gré des circonstances, les nouveaux visages d’une même réalité divine.
À son tour, le fils de Kronos, Zeus, va détrôner son père et même le châtrer avant de l’expédier en exil, aux dires de Plutarque, dans une île à l’ouest du monde. Et il organisera le panthéon olympien avec ses frères Poséidon (Neptune) à qui il confiera les éléments instables (eaux et terres soumises aux séismes) et Hadès (Pluton) à qui il confiera le monde souterrain et invisible. Mais ce sont ses sœurs qui hériteront de la plus grande partie divine : Déméter sera la Terre mère, la pourvoyeuse et la nourrice des êtres et des choses, Hestia (Vesta) dont on a voulu faire la déesse du foyer mais qui est en réalité la détentrice du feu sacré et divin qui permet toute vie, et enfin Héra (Junon) en qui s’incarnent les fonctions maternelles et domestiques et dont il fera son épouse. Une autre déesse devrait pourtant être ajoutée à cette liste primitive, Aphrodite (Vénus), qui est née de la vague au moment où les testicules de Kronos sont tombés dans la mer. Maîtresse des sentiments, des passions et des désirs sexuels, reine de beauté troublante, à la fois attirante et redoutable, Aphrodite n’est autre que la figuration grecque d’Ishtar-Astarté, et son nom, provenant sans aucun doute du terme indo-européen signifiant le « sanglier », en fait la maîtresse des animaux sauvages, et par là des pulsions nées dans ce qu’on appelle maintenant le « cerveau reptilien ».
Mais les divinités revêtent des noms plus spécifiques lorsqu’elles sont considérées selon des critères fonctionnels de plus en plus précis. Alors, la fable en fait le produit de telle ou telle union, cette union prenant toujours une valeur symbolique. Cela ne veut pas dire que les autres grands dieux de l’Olympe soient des enfants légitimes de Zeus et d’Héra : bien au contraire, car l’adultère et l’inceste sont de règle dans les lignées divines et
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