La grande déesse
constituent les transgressions, interdites aux humains, nécessaires à l’évolution du monde et sans lesquelles celui-ci sombrerait très vite dans un état statique de non-existence. Alors vont apparaître des figures comme Athéna (Minerve), Artémis (Diane) et Hécate, figures féminines emblématiques et qui vont, toutes les trois, représenter un des aspects de la Déesse primitive.
Athéna est présentée comme la protectrice d’Athènes, ville à laquelle elle a donné son nom (un nom pluriel d’ailleurs, comme s’il y avait plusieurs Athéna, ce qui fait penser aux Élohim de la Bible). On dit qu’elle est née tout armée du cerveau de Zeus et on en a fait une déesse guerrière. Ce n’est pourtant pas son rôle essentiel, car cette naissance miraculeuse veut tout simplement dire qu’elle incarne la pensée de Zeus, l’intelligence divine à son plus haut degré : ce n’est pas un hasard si son équivalent latin, Minerve, a été considéré comme exprimant avant tout la sagesse – dans un langage chrétien et même gnostique, on dirait « sainte » Sophie – et si César, dans son De bello gallico , l’assimile facilement à la déesse celtique de la poésie, des arts et des techniques, la Brigit irlandaise, devenue « sainte » Brigitte de Kildare après la christianisation. Mais Athéna n’était pas seulement honorée à Athènes et il semble bien qu’elle fut une déesse panhellénique dont les temples au cap Sunion, près d’Athènes, à Lindos dans l’île de Rhodes et surtout à Mycènes donnaient lieu à de nombreux pèlerinages. En fait, Athéna est un doublement d’Artémis, de l’Artémis primitive, autre visage d’Ishtar-Astarté, et qui se confond ici avec l’antique déesse solaire des Scythes. La meilleure hypothèse en la matière est de considérer Athéna comme empruntée aux peuples scythiques, notamment aux Sarmates, car les descendants de ces derniers, les Ossètes, ont conservé dans leurs traditions mythologiques le nom et les aventures d’une certaine Sathana, déesse sorcière mais sage, guerrière mais nourricière, aux multiples fonctions et à la puissance redoutable.
Or, comme l’a prouvé Jean-Claude Lozarc’hmeur en partant des études de Georges Dumézil sur l’ancienne épopée des Nartes, ce clan fabuleux des Ossètes qui sont les descendants actuels des Scythes, le nom de Sathana provient d’une christianisation ou plutôt d’une diabolisation d’un nom propre traditionnel qui avait déjà donné Athéna en grec.
Le plus célèbre sanctuaire d’Artémis était, on le sait, à Éphèse, en Asie Mineure, véritable centre où se sont cristallisés les cultes les plus divers concernant la Déesse des Commencements et où l’influence grecque a été prépondérante à l’époque dite hellénistique. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que tout le rivage asiatique de la mer Égée a été grec pendant plusieurs siècles : ce que nous appelons civilisation grecque s’est formé en ces lieux. Le récit de la guerre de Troie met cette communauté culturelle en évidence, puisqu’il s’agit en réalité d’une rivalité politique et économique entre deux branches des peuples hellènes. La cause de cette guerre est en elle-même parfaitement éloquente, puisque la fable de Pâris, sommé de choisir entre trois déesses, nous montre que celles-ci ne sont que trois visages d’une même entité : Héra, Athéna et Aphrodite sont en effet trois aspects fonctionnels de la Déesse, et lorsque Pâris donne la pomme (dite de discorde !) à Aphrodite, il ne fait que privilégier le côté érotique de la divinité. Mais on remarquera que si Artémis est absente de ce « concours », elle réapparaît bientôt au cours de la tragédie à propos d’Iphigénie, fille d’Agamemnon, le Grec d’Europe, que celui-ci doit sacrifier pour obtenir la victoire de son clan.
Car Artémis – qui est en fait cette triple déesse du jugement de Pâris ou, si l’on préfère, la Déesse aux trois noms et aux trois visages qu’on retrouve dans la mythologie irlandaise (la triple Brigit) – est une divinité toute-puissante, et par conséquent cruelle. Elle est la fameuse « Diane scythique » qu’on reverra ensuite dans la légende grecque d’Iphigénie en Tauride, obligeant sa prêtresse à verser le sang de tout jeune homme arrivant dans sa sainte cité. C’est l’Artémis tuant l’audacieux qui l’a aperçue nue et qui connaît donc les
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