La grande guerre chimique : 1914-1918
à son quartier général de Cassel le D r A. Kling,
un scientifique et chimiste français, réputé en sa qualité de directeur du
Laboratoire municipal de Paris. Le médecin se mit immédiatement au travail,
visitant les hôpitaux de la région, examinant et recueillant les témoignages
des gazés, et ordonnant simultanément de nombreuses autopsies [277] .
Les conclusions du pharmacien-major Didier furent très rapidement
confirmées, et l’on s’attacha dès lors à mettre en œuvre les moyens permettant
de préserver les combattants des premières lignes des effets du chlore par des
protections efficaces et des soins appropriés. Le 24 avril, des
instructions sommaires furent transmises aux commandants d’unités. La direction
du Génie consulta également M. Weiss (directeur des mines au ministère des
Travaux publics) qui pouvait faire bénéficier les Armées de sa compétence dans
le domaine des appareils respiratoires déjà en usage dans les mines [278] .
Au lendemain de sa mission dans la région de Langemarck, M. Kling
fut chargé par le GQG de procéder, d’une manière systématique, à toutes les
enquêtes sur les armes chimiques nouvelles utilisées par l’ennemi. Par la
suite, M. Kling mit en place une véritable organisation destinée à
renseigner le GQG sur la nature des produits utilisés au cours de chaque
attaque. Initialement, dès qu’une attaque lui était signalée, M. Kling, ou
l’un de ses adjoints, se rendait sur les lieux et recueillait tous les éléments
nécessaires à l’identification. Il se faisait accompagner par le médecin-chef
du centre médico-légal compétent dans la zone. Ce médecin fournissait à M. Kling
des informations médicales et effectuait des prélèvements sur les viscères. Le
nombre des attaques et des innovations chimiques s’étant rapidement multiplié,
il devint impossible au P r Kling d’assurer les enquêtes sur le
front avec le seul concours des médecins des centres médico-légaux. En
conséquence, on décida de créer un corps d’officiers chimistes d’armée qui, dès
lors, s’acquittèrent de cette tâche. Ces officiers chimistes, attachés à l’état-major
de l’artillerie, étaient chargés de recueillir sur le champ de bataille les
obus allemands non explosés et de les expédier à Paris au Laboratoire
municipal. Le 25 avril, le ministère de la Guerre entreprit de faire
fabriquer une protection respiratoire sommaire constituée d’un sac de flanelle
contenant des fibres de coton. Celui-ci devait être, au moment d’une attaque,
imbibé de thiosulfate qui devait neutraliser le chlore, puis placé devant la
bouche et les narines. Deux jours plus tard, les premiers exemplaires partaient
pour les Flandres et l’Artois. À la mi-mai, 500 000 protections
avaient été distribuées.
Il apparaît que, contrairement à ce qui se passa en
Grande-Bretagne, il n’y eut pas en France de véritable débat politique au sein
des plus hautes instances de la République sur l’opportunité des représailles
chimiques. La décision de répliquer sur le même terrain que les Allemands
apparaissait comme une nécessité militaire à laquelle les autorités politiques
souscrivaient unanimement, tout en clamant, dans le même temps, le dégoût que
leur inspirait cette forme de la guerre. Les militaires français n’eurent donc
aucun mal à faire accepter cette résolution par les autorités civiles. Dès le
lendemain du 22 avril 1915, militaires et politiques s’accordaient
sur la nécessité d’appliquer la loi du Talion à l’encontre des Allemands [279] .
À la date du 25 avril 1915, le général Maxime Weygand, exprimant
l’opinion générale, écrivait dans son journal : « Les Allemands
avaient pris l’initiative d’un moyen de lutte inhumain et condamné par les
accords internationaux. Mais il ne s’agissait pas pour nous de procédures, il
fallait sans retard trouver à la fois, contre ces attaques, la protection et la
riposte (…) Un nouveau pas venait d’être fait par nos adversaires dans la
pratique de la guerre totale. » [280] Le 26 avril, le ministère de la Guerre dépêchait une enquête auprès des
industriels français de la chimie afin d’évaluer les stocks en produits
susceptibles d’être utilisés en représailles contre l’ennemi [281] .
Enfin, le 2 juin, le gouvernement français publia un communiqué officiel
adressé aux puissances étrangères qui fut repris par
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