La grande guerre chimique : 1914-1918
Britanniques de commettre les
mêmes erreurs que l’ennemi en ne prévoyant pas les renforts suffisants pour
alimenter l’offensive. La seule différence notable avec les propositions
avancées deux semaines plus tôt par le major Foulkes résidait dans la
séparation des services de recherches chimiques offensifs et des services
défensifs dont French demandait instamment la création.
À la fin de l’année 1915, il existait donc un service de
recherche défensif au sein du War Office, l’Anti-Gas Supply Committee dirigé
par le colonel Williams Horrocks, et un service de recherche offensif au
sein du TWD sous la direction de Henry Moreland. Par ailleurs, au sein du
Trench Warfare Research Department du Ministry of Munitions, le colonel Jackson
disposait également d’une équipe réduite. Cette organisation éclatée fut
particulièrement préjudiciable au programme de recherche britannique de guerre
chimique (délais incessants, mauvaise coordination entre les services, etc.)
et, malgré ses défauts patents, elle perdura jusqu’en octobre 1917. À cette
date, il fut décidé de constituer au sein du Design Group of the Munitions
Council du Ministry of Munitions, un département unique, le Chemical Warfare Department
(CWD), centralisant les aspects défensifs et offensifs de la recherche
chimique. Sa direction fut confiée au général Thuillier, qui le subdivisa
en trois sections distinctes : offensive, défensive et industrielle. Si
cette réforme constitua incontestablement un pas important vers une
rationalisation des services chimiques britanniques, elle ne remédia pas
complètement aux incohérences nées de la ventilation absurde des centres de
pouvoir. Ainsi, même après octobre 1917, Thuillier voyait partiellement
échapper à son autorité les aspects liés aux approvisionnements en gaz,
toujours sous le contrôle du Trench Warfare Supplies (TWS). Cette tardive
réforme était révélatrice du peu d’intérêt consacré à la guerre chimique au
sein du MoM jusqu’à cette date ou du moins de l’ordre des priorités du
ministère de la Guerre. Ce ne fut finalement qu’en avril 1918 qu’une
ultime réforme des services chimiques britanniques permit de mettre un terme à
ces déficiences préjudiciables. Le CWD fut transféré au Département Explosifs
du Munitions Council et le TWS fut transformé, de sorte que toutes les
questions d’approvisionnements furent concentrées sous la responsabilité d’un
seul homme, Sir Keith Price [275] .
La réponse à son mémorandum du 16 juin 1915
parvint à French neuf jours plus tard. Le 25 juin 1915, autorisation
lui fut donnée de créer les deux premières compagnies de guerre chimique, la
186 e et 187 e , qui furent baptisées Special Companies of
the Royal Engineers. Composées de quelques centaines d’hommes spécialement
entraînés à la guerre chimique, elles allaient constituer le fer de lance de la
lutte chimique britannique. Le ministère de la Guerre signifia en outre à
French qu’il recevrait pour le 17 juillet 50 t de chlore, soit 1 600 cylindres
pressurisés qui permettraient de lancer une offensive sur un front de 8 km
de large ; les services du ministère assuraient d’autre part que la
production de cet agent chimique allait atteindre à la fin juillet près de 150 t
par semaine à l’usine de Runcorn. Le chlore (Red Star) présentait en effet l’insigne
avantage d’être disponible rapidement. Il faut, à cet égard, noter le
remarquable effort produit par les Britanniques pour constituer en quelques
mois une véritable industrie de guerre chimique. Jamais les Allemands n’avaient
pensé la chose possible en un laps de temps si court. Le 10 juillet 1915,
malgré les difficultés rencontrées dans les processus de liquéfaction et de
conditionnement du chlore, une centaine de cylindres fut expédiée dans le plus
grand secret vers la France. Au début du mois de septembre 1915, c’est 6 000 cylindres
contenant 180 t de chlore qui étaient stockés à proximité du front, dans
le nord de la France.
Entre volontarisme et contraintes : l’organisation de la réplique
chimique française
Du côté français, la réaction fut tout aussi prompte qu’en
Grande-Bretagne. Le 23 avril, le pharmacien-major de deuxième classe
Didier, qui se trouvait sur les lieux de l’attaque allemande, informait l’état-major
de la nature probable du toxique utilisé, le chlore [276] . Le jour même,
Foch convoqua
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