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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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son imprudence.
    — Pardon ! coupa Achbach sèchement. Attendez !
    Il avait soudain perdu toute son obséquiosité.
    Á l’affolement qu’il avait lu dans les yeux du musicien, il sentit une piste proche, à portée de la main.
    — Permettez !
    Le front en avant, soupçonneux, il se dirigea vers la commode. En une seconde l’atmosphère pesa des tonnes. Stanislas respirait avec peine. Mac Intosh sentait sa dernière heure de liberté venue et transpirait à grosses gouttes.
    D’un coup sec, Achbach ouvrit le tiroir de la commode.
    Des provisions d’épiceries variées apparurent. L’Allemand avait ouvert le tiroir voisin.
    Lefort éclata de rire devant le saucisson de Lyon qu’Achbach exhibait.
    — C’est pour l’entracte, expliquait le maestro. Comme je ne dîne pas, à l’entracte, j’ai faim. J’ai ma barre.
    Il dessinait d’un geste le tracé de sa faim en rond et en large.
    Par une coïncidence inouïe, le major ressentait aussi la même fringale à certains moments de la journée.
    — Moi…, confia-t-il à Lefort, c’est le matin vers 10 heures que j’ai aussi ma boule…
    — Et si vous ne mangez pas, vous aussi, vous avez votre barre ?
    —  Ia !
    Les deux hommes se laissèrent aller à rire de se trouver ainsi des points communs, malgré leur nationalité et leur profession différentes.
    La situation était tout à fait détendue quand le major Achbach prit congé en claquant les talons. Il regrettait d’avoir soupçonné ce chef uniquement préoccupé de musique et de nourriture.
    Il salua même le harpiste et s’excusa encore d’avoir « dérangé Euterpe ».
    La porte de la loge se referma sur lui.
    Le musicien et le parachutiste se regardèrent, pâles de terreur rétrospective.
    — Continuons à jouer, commanda Stanislas à voix basse.
    Et comme Mac Intosh qui n’avait jamais touché une harpe de sa vie prenait une expression égarée, le maestro joua des deux instruments à la fois, bondissant de l’un à l’autre avec virtuosité.
    —  Thank you ! disait Mac Intosh…
    — Maintenant, vous allez me débarrasser le plancher ! grondait Stanislas en contrepoint avec sa musique suave.
    —  O. K., accepta l’Anglais.
    Il se leva et dans ce mouvement, le veston gris prêté par Stanislas craqua du haut en bas.
    Lefort le regarda avec un attendrissement bourru.
    — Je ne peux pas vous laisser partir dans cet état ! D’abord, où comptez-vous aller ?
    — Au Bain Turc, articula Mac Intosh.
    Et avant que le chef d’orchestre n’eût le temps de manifester sa stupéfaction, il poursuivit :
    — Là est mon officier, avec amis de la Résistance Française.
    Stanislas réfléchit et décida :
    — Je ne peux pas vous laisser partir… Ma conscience (une stupide invention) me le défend…
    Il plissait le front et faisait le point.
    Il finit par dire au jeune aviateur :
    —  You know, you are very collant !
    —  Yes, avoua l’Anglais conciliant.
    — … You hear the bruits des bottes ?… Si vous restez ici I risk… I risk même énormément !
    Il bondit sur la porte qu’il ferma au verrou d’un geste sec.
    — Si you go out, continua Stanislas, vous êtes taken… I risk aussi ! Donc, I risk sur les deux tableaux. Pour quelqu’un qui joue le double jeu, c’est le désastre !…
    Il se gratta le crâne.
    — Comment s’appelle-t-il, votre chef ?
    — Pas nécessaire son nom… Seulement savoir il a big moustache.
    — Et si j’y allais, moi, au Bain Turc ?
    —  Wonderful ! s’exclama le british.
    —  Wonderful, à condition que votre big moustache vous emmène d’ici… et quickly.
    — He will !…
    —  Alors j’y vais…
    —  The signal is « Tea for two »…
    — O. K., dit Stanislas, déjà dans la peau de son personnage. Air connu ! Pendant que je serais absent, vous entrez là !
    Il ouvrit toute grande l’armoire à deux battants.
    Mac Intosh s’y glissa.
    —  Wait and see  ! intima Stanislas en refermant la porte sur lui.
    Il s’enfuit à toutes jambes pour se débarrasser enfin de ce visiteur compromettant.
    — Hélas ! la vie vient de m’apprendre qu’on se trouve toujours bien de ne s’occuper que de ses propres affaires, se dit-il… Tant pis pour moi ! Je le savais !

XIV
    Le Squadron-Leader Reginald Lloyd connaissait bien Paris où il avait maintes fois séjourné avant la guerre. Il n’eut aucune difficulté à atteindre le Hammam installé dans la Mosquée de Paris. Il constata

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