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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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rivière ressort quelque part ? demanda Reginald inquiet au bout d’un moment de cette silencieuse navigation.
    Nul n’en savait rien.
    L’angoisse étreignait les cœurs.
    Stanislas, comme Augustin, avait en 40 accepté d’un cœur résigné la défaite et l’armistice. Mais ils étaient en train de modifier leur jugement sur ces événements historiques. On aurait dû résister ! Combattre ! Jeter dehors l’ennemi à coups de baïonnettes !
    Voilà comment on écrit l’Histoire !
    Les voûtes sous lesquelles circulait cette route aquatique étaient sinistres, basses, suintantes d’une humidité doucereuse.
    Mélancolique, le maestro Stanislas Lefort pendant toute cette poursuite, avait gardé sa perruque argentée et sa baguette (que les critiques qualifiaient de magique). Il considéra avec une ironie désespérée ces symboliques accessoires de sa puissance envolée en un jour.
    Ils ne lui serviraient plus à rien, désormais.
    La baguette, la première, fut jetée à l’eau où elle flotta à la dérive, sceptre devenu soliveau. La perruque suivit et coula avec un bruit assourdi. Dans sa tête, désormais dénudée, Lefort entendit résonner comme un glas les mesures héroïques de la Marche de la Damnation. Les notes en étaient déformées par le pessimisme et tintaient lugubrement sur une harmonie qui n’avait plus la force d’être martiale. Son chagrin se traduisait toujours en sonorités intérieures.
    Le voyant ainsi, le crâne nu, Augustin, bon garçon compatissant, lui dit :
    — Vous allez vous enrhumer, avec votre boule d’escalier ! Voulez-vous ma casquette ?
    Et il lui tendit généreusement sa coiffure frappée de cette horrible croix gammée, source de tous leurs maux.
    Sans répondre, Stanislas la lui prit des mains et au lieu de s’en recouvrir, la jeta avec dégoût dans la Grange Batelière.
    On arrivait à des carrefours d’eau quand le vacarme d’une galopade les atteignit. Chacun retint sa respiration, glacé de peur.
    —  The Germans ! souffla Reginald livide.
    —  No ! the Metro ! rectifia Augustin.
    On n’en finissait plus de dériver.
    Tout à coup, le Squadron-Leader s’écria :
    — Halte ! Stop !
    Il avait découvert une plaque émaillée qui indiquait en lettres blanches «  Rue des Halles  ». Ils étaient dans les égouts de Paris qui, suivant sous terre les grandes voies et artères de la capitale, portaient les mêmes noms.
    En levant la tête, ils distinguèrent une sorte de cheminée circulaire munie de crampons formant échelle. Tout en haut on pouvait apercevoir un point lumineux.
    Les échos lointains d’une valse musette parvenaient, assourdis.
    Il régnait maintenant un calme étrange.
    — Rue des Halles, murmura Reginald, je connais. C’est sur les pavés de cette rue qu’on trouvait les filles les plus perverses de Paris !
    Il soupira comme un mendiant affamé devant une rôtisserie.
    Ils prirent pied sur une sorte de trottoir ruisselant d’eau croupie.
    Reginald désigna les degrés de fer rouillés et s’apprêtait à les gravir, quand Stanislas, révolté par un tel égoïsme, s’écria :
    — Et moi ? Je ne peux pas sortir en habit de soirée et en escarpins ! Ce serait me désigner à la police !
    Augustin approuva. Il tenait aussi à se défaire le plus vite possible de son uniforme de général si compromettant.
    Seul, Mac Intosh ne protestait pas, bien à l’abri sous ses atours féminins.
    Reginald réfléchit puis, s’approchant du jeune homme déguisé, il lui intima d’un ton solennel :
    — Mac Intosh ! Pour la Patrie, pour nos Alliés, pour la libération de l’Europe, il faut vous dévouer !
    — Je suis prêt, dit Mac Intosh résolu à tout ce qu’on voudrait.
    Reginald, avec une adresse qu’on ne lui eût pas soupçonnée, déchira la jupe trop longue, échancra le corsage et remontant en un chignon coquin les tresses blondes de la perruque, articula :
    — Vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire, Sergent Mac Intosh ?
    Dans leurs cœurs chantait le « God save the King ».
    Dans la rue chantait à l’accordéon « Ah le petit vin blanc ! »

XIX
    Un moment après, dans la ruelle obscure, la lourde plaque de bronze d’une bouche d’égout se souleva. Mac Intosh observa si nul ne pouvait le surprendre. S’en étant assuré, il sortit du puits, laissant béante l’ouverture. Au fond, Reginald, Augustin et Stanislas avaient l’air de tarentules guettant les mouches du

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