Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
nous revoir…
    —  Pourquoi pas… avait lâché Antoine, quelque peu étonné mais plutôt flatté par cette propension de Jarmil à considérer qu’il avait face à lui un trafiquant d’opium en puissance.
    Du coup, pour bavarder plus au calme avec son visiteur tout en lui faisant visiter l’île, le comprador avait hélé ce qu’on appelait à Singapour un palanquin, c’est-à-dire un brancard tiré par un poney persan, que les Indiens des castes inférieures louaient aux gens aisés pour les véhiculer.
    Dans la petite ville marchande aux maisons basses cachées des bateaux par d’épaisses rangées de palmiers régnait une délicieuse et rare atmosphère d’« entre-deux   », un je-ne-sais-quoi de « plus tout à fait l’Inde et pas encore en Chine   »… Entre les bras de mer autour desquels elle avait été construite, on trouvait aussi bien une église chrétienne dont les deux clochers dominaient la ville qu’une pagode chinoise de vingt étages, sans oublier une mosquée malaise et même un temple hindou dédié au dieu Brahma à l’ombre duquel, reconnaissable au drapeau tricolore qui pendait à la hampe de son fronton, un minuscule édifice de style occidental abritait le consulat de France. Sur une colline encore noyée dans le brouillard, on distinguait un bâtiment plus vaste aux arcades de pierre. Le comprador avait expliqué à Antoine qu’il s’agissait du palais du gouverneur anglais de ce territoire insulaire que sir Stamford Raffles avait arraché en 1819 au sultan de Johore, alors qu’il était encore inculte et presque inhabité.
    —  Aujourd’hui, Singapour entend rivaliser avec Manille et Batavia   ! avait conclu avec fierté le comprador , en même temps qu’il faisait découvrir à Antoine les entrepôts où s’entassaient les cargaisons d’opium indien à destination du marché chinois.
    —  Combien y a-t-il d’Européens ici   ? s’était enquis le Français.
    —  À peine quatre cents, dont trois cents policiers anglais, sur une population de plus de soixante mille habitants… Singapour ne connaît pas le crime, et ce, malgré la présence de nombreux Indiens venus de la côte de Malabar dont beaucoup portent gravés sur leur front le délit qu’ils ont commis chez eux ainsi que la sentence à laquelle ils ont été condamnés. Ils sont ici pour se faire oublier et se racheter une conduite. À vrai dire, les autorités anglaises ne leur laissent pas trop le choix… À Singapour, on ne badine pas avec les lois et les règlements   ! Si tu fautes une fois, tu vas en prison. La deuxième fois, on te tranche le cou   !
    —  Je vois… s’était borné à répondre l’apprenti diplomate sous les yeux duquel deux policiers de type occidental frappaient à grands coups de canne le dos d’un malheureux dont la peau se détachait en lambeaux.
    —  C’est un châtiment efficace   ! Une canne découpe la chair autant qu’une machette   ! Du coup, pas un seul pirate n’ose pénétrer dans la ville… Singapour est une île propre   ! avait ajouté le comprador en raccompagnant Vuibert jusqu’à la pirogue, l’appareillage du Panther étant prévu en fin d’après-midi.
    Au moment où ils se quittaient, Jarmil lui avait lancé :
    —  Quand aurai-je le plaisir de vous revoir, monsieur Vuibert   ?
    —  Je n’ai pas de date précise… Si je reviens, promis, je vous préviens   !
    —  Je suis sûr que vous allez revenir   ! Allez, un homme aussi brillant que vous ne s’encombrera pas d’intermédiaires.
    Était-ce l’insistance de l’Indien à le classer parmi les marchands d’opium, ou encore la sévère et barbare punition par la canne à laquelle il avait assisté, toujours est-il que le comptoir anglais avait laissé à Antoine un goût étrange où la répulsion le disputait à l’envie de revenir y faire du commerce, au point qu’il se voyait déjà - on peut toujours rêver   ! - comme le Jardine ou le Matheson français…
    Une fois passé l’île de Singapour, la houle s’était faite plus forte, obligeant l’équipage du Panther à redoubler de vigilance en raison de conditions météorologiques plus changeantes. Devant l’île de Bangka, célèbre pour ses mines d’étain, à l’endroit où s’effectue le basculement de l’océan Indien vers le Pacifique, le bateau avait essuyé une grosse tempête qui avait obligé notre jeune Dauphinois à garder la cabine pendant trois jours, à l’issue desquels les côtes

Weitere Kostenlose Bücher