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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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affrontaient toujours, compte tenu de la longueur du voyage. Il savait, en particulier, éviter au Panther les écueils de la mer d’Andaman, le guider dans les passes étroites cernées par les hauts-fonds hérissés de pointes coralliennes acérées et le mettre à l’abri, quand c’était nécessaire, dans une crique des côtes thaïlandaises, pour lui éviter d’être pris par les redoutables typhons de haute mer.
    Malgré les longs jours passés sans la moindre langue de terre à l’horizon, Antoine n’avait pas vu le temps s’écouler.
    La mer est une immense scène de théâtre sur laquelle se déroule un spectacle permanent dont les animaux marins, poissons volants, baleines, requins et autres dauphins ne sont pas les seuls acteurs. Les navires et leurs passagers font aussi partie de l’intrigue. Il suffit de faire preuve d’un minimum de sens de l’observation pour en suivre le fil, scène par scène, avec ses dénouements heureux ou malheureux, selon ce qu’en décident les conditions météorologiques.
    Après une escale à Penang, la petite île située au nord de la Malaisie dont les côtes basses et marécageuses se confondent souvent avec le ciel, un peu après que le Panther se fut engagé dans le long détroit de Malacca, il avait admiré, ébloui, les bancs de marsouins souffleurs qui ouvraient gentiment la route du vieux rafiot en caracolant au-dessus des vagues.
    Il y avait vu un bon présage pour la suite de son voyage.
    Arrivé au mouillage, au large du petit port de Singapour, le Panther avait été assailli par une nuée de pirogues fines et pointues. Au bord de l’une d’elles se trouvait un homme étrange. D’une trentaine d’années, il était vêtu d’une longue robe blanche et coiffé d’un épais turban de mousseline rouge. Renseignement pris auprès de l’intéressé, dont le visage au nez aquilin et aux traits fins, soulignés par un rai de barbe soigneusement tracé sur sa peau cuivrée, trahissait à l’évidence des origines indiennes, il était comprador et natif de Pondichéry, ce qui faisait également de lui un Français, comme tous les habitants de ce comptoir. À l’affût de la bonne occasion commerciale, Jarmil, c’était son nom, avait courtoisement proposé à Antoine de lui faire les honneurs de cette île vouée au commerce dont plus de la moitié de la surface était déjà occupée par des installations portuaires.
    Le Pondichérien, qui avait l’air malin comme un singe et parlait le français presque sans accent, en avait profité pour soumettre Antoine à un interrogatoire en règle.
    —  Vous allez jusqu’à Hongkong   ?
    —  L’ultime but de mon voyage est Shanghai…
    —  Les commerçants français vont plutôt à Canton…
    Le jeune Dauphinois, méfiant, qui ne souhaitait pas trop en dire, lui avait renvoyé la balle :
    —  Comment avez-vous deviné que je suis un commerçant   ?
    —  Comme vous n’êtes pas militaire, vous ne pouvez être que commerçant. Ne vont en Chine que les militaires et les commerçants. En Chine, tout se vend. Les Chinois adorent marchander. Ce peuple a un sens commercial plus développé que celui des Indiens, qui restent prisonniers de leurs castes et de leurs superstitions.
    Ce Jarmil n’y allait pas par quatre chemins…
    —  Vous connaissez Canton   ?
    —  Je n’y ai jamais mis les pieds… Mais à force de voir des marchands en revenir, je finis par savoir à peu près ce qui s’y passe… À Canton, ce qui rapporte le plus, c’est l’opium…
    —  Je sais   !
    Prenant soudain des airs de conspirateur, Jarmil avait alors chuchoté à l’oreille d’Antoine :
    —  Je peux vous en procurer à un bon prix. Singapour devient une plaque tournante de l’opium. Des marchands indiens commencent à s’y implanter. Ils cherchent à échapper au monopole des gros intermédiaires anglais qui leur achètent la marchandise à vil prix et la revendent dix fois plus cher aux grossistes chinois… Vous et moi pourrions gagner beaucoup d’argent. On pourrait même faire cinquante cinquante   !
    Les yeux du Franco-Indien ressemblaient à ceux d’un vieux chien de chasse suppliant son maître de l’autoriser à lever le gibier. Mais Antoine avait préféré éluder.
    —  On verra. Une fois arrivé là-bas, je vous contacterai.
    —  Il vous faudra revenir. À présent que pas moins de trois bateaux font chaque mois la navette entre Hongkong et ici, nous aurons sûrement l’occasion de

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