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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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codes surannés, où certains interdits parfaitement justifiés comme celui de consommer et de faire commerce de l’opium étaient bafoués en toute impunité tandis que d’autres, sans aucun fondement si ce n’était qu’ils relevaient de règles ancestrales, continuaient à être respectés.
    À peine introduit devant le vice-roi de Canton, Brandon n’avait pu s’empêcher de s’appuyer contre l’une des grosses colonnes de bois laquées de vermillon qui soutenaient un plafond à caissons lourdement chargé d’oiseaux dorés à la feuille et de guirlandes sculptées. Les yeux noyés dans la graisse du commissaire impérial, dont l’ample robe rouge brodée de dragons noirs était censée cacher une obésité impressionnante, le fixaient avec condescendance. Le représentant du Fils du Ciel n’avait pas l’air commode. Ses mains impatientes dont les doigts boudinés faisaient penser à des vessies gonflées tambourinaient sur les appuis d’ébène d’un trône baroque où couraient une pléthore d’animaux à plumes et à écailles. Intimidé par la vingtaine de gardes-oriflammes coiffés de bonnets noirs à houppe jaune qui entouraient l’intraitable gouverneur de Canton, hallebarde à la main, Brandon s’était progressivement liquéfié jusqu’à devenir une petite chose douloureuse toute prête à jouer les victimes.
    Un mandarin de première classe sautillant, au visage cireux figé dans un perpétuel sourire, avait fait signe à Wang d’approcher. Ce préposé aux cérémonies et aux courbettes d’usage, reconnaissable à l’étole de soie orangée brodée de flammes dont ses épaules étaient couvertes, avait glissé à l’interprète :
    —  Ce nez long connaît-il les usages en vigueur   ?
    Wang, hypocritement, avait semblé tomber des nues.
    —  De quels usages voulez-vous parler   ?
    —  De la courbette rituelle qui doit être accomplie deux fois devant un vice-roi et trois fois devant le Fils du Ciel, voyons   ! avait lâché l’étole jaune d’un air excédé.
    —  Moi qui croyais que seuls les Han étaient obligés d’accomplir le ketou …
    —  N’importe quel visiteur est soumis au ketou   !
    Wang s’était tourné vers le fabricant de pianos et lui avait glissé :
    —  En guise de salut au vice-roi, ils disent que vous devez vous pencher en avant, afin que votre tête touche le sol, et renouveler l’opération deux fois de suite, monsieur Brandon…
    —  Mais j’en suis strictement incapable   ! J’ai le dos comme transpercé par une épée…
    —  Vous n’avez pas le choix, vous devez vous exécuter   !
    —  Je t’en supplie, explique-lui la situation…
    Wang avait avancé d’un pas, les mains jointes, puis, après s’être cassé en deux, avait murmuré d’une voix mourante au vice-roi :
    —  M. Brandon Clearstone s’est fait très mal au dos. Il ne peut accomplir correctement le ketou et prie Son Excellence de bien vouloir l’en excuser…
    Mais cet impatient et adipeux préfet n’était visiblement pas prêt à faire preuve de la même largeur d’esprit que l’empereur Qianlong lorsque celui-ci avait accepté de se contenter d’une génuflexion de la part de lord Macartney AJ , premier envoyé du roi d’Angleterre en Chine.
    À la façon dont on écarte une mouche, d’un simple geste de sa main difforme, le vice-roi avait fait signe à Brandon de déguerpir de la salle des audiences publiques. L’Anglais, qui n’entendait pas se laisser faire, avait bien essayé, dans un ultime geste de désespoir, de s’approcher de l’estrade sur laquelle était juché le fauteuil du commissaire impérial, mais il en avait été fermement empêché par deux oriflammes qui l’avaient empoigné par les aisselles avant de le traîner de force vers la sortie.
    —  Alors, petit papa   ? s’était écriée Laura, en se jetant dans les bras de son père.
    Brandon n’avait pas voulu lui répondre avant qu’ils ne fussent dehors.
    —  Eh bien, me voilà ruiné à cause d’un individu immonde   ! Ce gros porc n’a rien voulu savoir de mon mal au dos   ! Comme j’étais dans l’incapacité d’accomplir leurs fameuses courbettes rituelles, il m’a fichu dehors comme le dernier des malpropres   !
    Barbara, qui n’en pouvait plus de calmer Joe, de plus en plus agité, avait levé les yeux au ciel.
    —  Décidément, mon pauvre Brandon, tu as le chic pour aller te fourrer dans la gueule du loup   !
    Laura, qui trouvait injuste le

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