Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
vivants à leurs clients. Seuls les taoïstes convaincus préféraient les tuer chez eux afin de préserver le plus longtemps possible les énergies et les souffles de vie contenus à l’intérieur de leurs chairs car, selon eux, la captation de la vie des animaux était essentielle au prolongement de celle des êtres humains. Les autres, c’est-à-dire l’immense masse des gens pour lesquels la consommation de viande était un luxe réservé aux jours fastes, les faisaient égorger à même le sol, par des commis bouchers ou poissonniers dont c’était la spécialité et qu’on reconnaissait à la kyrielle de couteaux suspendus à leur large ceinture de cuir. Quant aux insectes - scorpions, criquets et autres larves de vers du palmier -, ils étaient gobés vivants ou passés sur un gril et dégustés comme des friandises.
    Ce jour-là, Laura faillit vomir à la vue d’un homme qui, d’un coup sec, venait d’écorcher vif un long serpent qu’il tenait serré juste au-dessous de la gueule et auquel il avait ôté la peau en un tournemain comme s’il s’agissait d’un gant ; le reptile, soudain apparu dans son nouvel habit de chair rose, continuait à se tortiller dans tous les sens lorsque le boucher lui asséna une dizaine de coups de hachoir qui le découpèrent en autant de tronçons palpitants. Une matrone fit glisser ceux-ci, encore tout secoués de spasmes, dans une casserole devant laquelle salivaient deux clients. L’estomac au bord des lèvres, Laura préféra détourner le regard et passer promptement son chemin pour ne pas avoir à assister à leurs agapes.
    Depuis qu’elle circulait en ville sans l’aide du guide interprète, Laura avait réussi à emmagasiner suffisamment de mots en cantonais pour se faire comprendre, ce qui lui permettait de demander son chemin lorsque c’était nécessaire.
    Elle était fascinée par la langue chinoise et son absence totale de lien entre ce qu’on voit et la façon dont on le prononce, par les subtilités graphiques de ses innombrables caractères qui demandaient un long apprentissage.
    Quelques minutes plus tard, elle arriva en vue du temple presbytérien d’Issachar Roberts, une simple maison de bois dont seule une modeste croix rouillée pendue au petit balcon de bois du premier étage signalait la fonction.
    Après s’être frayée un passage au milieu du groupe de pauvres gens affamés qui stationnait de nuit comme de jour devant l’église, elle frappa à la porte et comme d’habitude ce fut Mélanie Bambridge qui vint lui ouvrir.
    Tout le rez-de-chaussée du presbytère était occupé par une vaste salle commune qui servait à la fois aux prières et au catéchisme. Lors des offices, la pièce était généralement remplie de pauvres gens auxquels le pasteur baptiste, qui savait parler cantonais mais pas suffisamment pour rendre compte de toutes les subtilités de la Bible, lisait celle-ci en pidgin {23} . Un interprète traduisait tant bien que mal ses propos, auxquels l’immense majorité de l’assistance, présente pour des raisons alimentaires - un plat de riz au porc était servi à l’issue du prêche -, ne comprenait évidemment goutte.
    Lorsqu’elle y entra, Issachar Roberts était assis en compagnie d’un jeune homme. Entre deux pots de porcelaine blanche remplis de pinceaux, ce dernier calligraphiait des caractères sur un long rouleau de papier posé sur la table. Laura, étonnée, s’approcha et reconnut sans peine les sigles fu, lu, xi et shou , respectivement de la bénédiction céleste, de la richesse, du bonheur simple et de la longévité, qu’elle avait appris à déchiffrer à force de les voir sur la plupart des lanternes et des panneaux décoratifs accrochés aux portes des maisons.
    —  Bonjour, Laura   ! Tu es toujours parfaitement ponctuelle, c’est bien   ! s’écria, dès qu’il l’aperçut, le pasteur baptiste.
    —  D’habitude, c’est l’heure où vous prêchez, monsieur Roberts…
    —  Aujourd’hui, c’est relâche   ! J’apprends à écrire le chinois   ! s’écria plaisamment l’Américain.
    Il était souriant, ce qui était plutôt rare, sauf avec Laura dont il appréciait la candeur et surtout le sérieux avec lequel elle écoutait ses propos sur la charité et sur la rédemption.
    —  Laura, je te présente La Pierre de Lune. Il vient ici de temps à autre pour m’apprendre la calligraphie, moyennant quoi, je lui enseigne l’anglais   !
    Le sang de Laura ne fit qu’un tour

Weitere Kostenlose Bücher