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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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et ses sbires, sans perdre une minute, s’étaient lancés à la recherche d’un étranger susceptible de signer une fausse proposition tarifaire inférieure à la sienne afin de la lui mettre sous le nez.
    Tel est pris qui croyait prendre…
    —  Tu n’as pas eu le nez creux, Garçon… s’était contenté de lâcher son commanditaire à l’attention de l’acteur qui avait battu en retraite comme le chien à qui son maître montre la niche.
    Jack, même s’il n’était qu’à moitié étonné par le comportement de ces compradores sans foi ni loi, était ulcéré. Ces gens avaient bel et bien trahi sa confiance. Mais entre vendeurs d’opium, celle-ci pouvait-elle exister   ? Quand on n’exerçait pas un métier d’enfant de chœur, il ne fallait pas être étonné d’avoir affaire à des forbans…
    —  Tripode, dois-je vous répéter que notre opium est le moins cher du marché   ? s’était contenté de lâcher Jack tandis que l’autre, penaud, faisait semblant de ne pas comprendre.
    —  Cet acteur travaille pour vous   ? avait sèchement ajouté Niggles.
    —  De temps à autre. À vrai dire, je suis propriétaire de l’opéra qui l’emploie actuellement…
    Ne jamais perdre la face. Toujours faire comme si de rien n’était. Tripode Authentique lui parlait sur un ton naturel, comme s’il avait invité Niggles à passer le voir   !
    —  J’apprécie l’opéra de Pékin. La représentation à laquelle j’ai assisté était vraiment magnifique… Et Garçon est un acteur très doué, c’est un arc à plusieurs cordes… avait répondu Niggles, sur le même ton.
    Il ne servait à rien de faire la leçon au comprador . Compte tenu de ce que Niggles avait découvert, jamais il n’oserait lui montrer une proposition de prix inférieure à la sienne…
    Dans une atmosphère irréelle, son hôte l’avait fait dîner. Mais Jack était tellement furieux qu’il ne se souvenait même pas de la kyrielle de plats qui avaient été servis.
    À l’issue des agapes, sur le chemin du retour, dans le palanquin où le comprador avait pratiquement fait monter l’Anglais de force, l’acteur d’opéra lui avait lancé, d’un air décontenancé :
    —  Tu aurais dû me dire que tu étais marchand d’opium et que tu connaissais le patron   ! J’aurais évité de perdre mon temps… et toi aussi.
    Garçon avait l’air franchement déprimé.
    —  Je vois… avait soupiré l’Anglais tout en constatant que Garçon n’était plus que l’ombre de lui-même.
    Si fringant quelques heures plus tôt, l’acteur avait peu à peu perdu toute sa superbe au point de pleurer comme un enfant. Les traits tirés et les mains tremblantes, ce n’était plus le beau jeune homme dont il s’était entiché, mais un drogué au bord du gouffre, une pauvre loque en crise de manque, qui avait amené Niggles, pour la première fois, à prendre conscience de l’étendue des dégâts provoqués par le métier qu’il exerçait.
    —  Je ne suis qu’un pauvre esclave… Si tu savais ce que je suis contraint de faire pour avoir ma dose quotidienne…
    Garçon des Nuages avait arrêté là ses confidences puis l’avait regardé d’un air hostile, atteint au plus profond de son orgueil.
    L’aveu était poignant et d’un seul coup Niggles avait été submergé par une lourde vague de honte. Fichu métier que celui de vendeur de poison dont les ravages étaient à la fois évidents et incalculables   ! Il n’était plus le tout-puissant directeur d’un conglomérat tentaculaire appelé Jardine & Matheson, mais bien un criminel qui s’ignorait.
    —  Je dois rentrer. Le soleil va bientôt se lever… avait-il murmuré au bel acteur juste avant d’arriver à son hôtel et de lui glisser trois liang d’argent dans la ceinture.
    De quoi acheter une dizaine de boulettes d’opium…
    Agrippé à la rambarde de la terrasse comme à une bouée de sauvetage, l’Anglais revoyait à présent le regard de bête traquée que Garçon des Nuages lui avait lancé lorsqu’ils s’étaient séparés. Au moment où il plaquait furtivement sa bouche sur celle de l’acteur, celui-ci avait ôté sa bague de jade et la lui avait fourrée dans la paume, avant de refermer sa main sur la sienne et de disparaître dans la nuit.
    —  Garde-la. Ainsi, tu penseras à moi… avaient été ses derniers mots.
    Depuis, Niggles s’était dépouillé de ses autres bagues et ne portait plus que celle-là.
    Le souvenir de cet ultime

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