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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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moment où les deux assistants du Grand Maître tirèrent d’un coup sec les rideaux de la pièce à l’intérieur de laquelle la lumière du jour vint s’engouffrer.
    Ces hommes étaient pour la plupart d’origine Han. Ils avaient tous été laissés pour compte par les Qing qui les avaient abandonnés à leur sort. Parmi ces réprouvés, il y avait des membres de l’aristocratie déchue, des soldats contraints de quitter les armes faute de solde, des propriétaires fonciers expropriés et des commerçants ruinés par des revers de fortune. On trouvait aussi quelques lettrés bannis pour refus d’allégeance ainsi que des mandarins écœurés par la corruption endémique de l’administration mais également des gens issus des classes populaires. Ils avaient tous de bonnes raisons de fréquenter assidûment cette confrérie occulte taoïste où l’on professait volontiers des idées nationalistes et xénophobes. Amaigris par le jeûne du Grand Rituel des Trois Souffles, ils refusaient tous de voir leur pays se faire prendre en tenaille entre les usurpateurs mongols de plus en plus coupés de la réalité et les puissances occidentales qui leur avaient imposé ces « traités inégaux   ». Les termes de ces textes infamants, d’abord soigneusement cachés à l’empereur lui-même par leurs négociateurs corrompus, avaient fini par s’ébruiter, d’abord à la façon d’un simple ruissellement, clandestinement, par un bouche à oreille circonscrit à la noblesse de robe et d’épée, ainsi qu’aux mandarins et aux officiers supérieurs de l’armée et de la police. Mais peu à peu, les gouttes d’eau s’étaient transformées en rivières puis en fleuves qui avaient submergé une à une toutes les provinces de la Chine, faisant perdre leurs dernières illusions à tous ceux qui croyaient encore que la dynastie mongole régnante était capable de défendre de façon efficace les intérêts du pays.
    Partout courait la rumeur que le glorieux empire du Centre s’était laissé dépouiller un à un de ses attributs de souveraineté devant l’armée d’opérette de ses envahisseurs. Sur les marchés et dans les troquets, ce n’était plus qu’un cri : le Fils du Ciel s’était fait avoir comme le premier des benêts. Les sociétés secrètes, dont les membres inondaient les habitants de tracts vengeurs dénonçant l’incurie du pouvoir en place, avaient activement contribué à la divulgation de ce fait humiliant et terrible.
    En 1847, non seulement pour les Han les plus lucides et les plus virulents, mais également pour l’immense majorité du peuple, le Fils du Ciel, devenu incapable de protéger les intérêts de son empire, n’était plus digne du mandat céleste.
    En Chine, depuis des temps immémoriaux, les sectes taoïstes avaient toujours fédéré les mécontents, allant jusqu’à provoquer la chute des dynasties régnantes. Dans une société aussi nombreuse où chacun, qu’il fut noble, mandarin ou petit fonctionnaire, soldat ou paysan, se voyait assigner un rôle précis, tant sur le plan économique et social que politique, le moindre dysfonctionnement rompait un équilibre précaire et pouvait déboucher sur le chaos.
    —  Je suis persuadé que chacun d’entre vous aura à cœur de donner le meilleur de lui-même à notre glorieuse Confrérie   ! La puissance de notre secte repose sur la générosité de ses augustes membres   ! lança le Grand Jaune Centre en invitant, d’un geste, chacun à s’asseoir à sa place.
    Aussitôt, l’acolyte Rouge Sombre passa autour de la table une corbeille à la main et chaque membre présent y déposa, selon ses moyens, son offrande. Sérénité Accomplie, pour sa part, y laissa dix grosses pièces d’argent. Une somme énorme, équivalente à ce que lui avait rapporté en un mois son commerce d’objets antiques, mais dont il se dépouillait volontiers, avec joie et non sans fierté. Que n’eût-il pas fait pour libérer la Chine   ?
    —  Et comme d’habitude, nous commencerons par demander aux nouvelles recrues de notre confrérie de bien vouloir se présenter aux autres membres, lança alors d’une voix forte l’acolyte Bleu Azuréen.
    Un grand silence s’installa tandis que le masque sang et or du Grand Jaune Centre faisait le tour de l’assistance avant de s’arrêter sur un homme de petite taille.
    —  Les portes de la Caverne du Métal Sombre se sont ouvertes pour accueillir un nouveau frère… déclara le Grand

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