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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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reste, puisque c’est moi qui t’invite. Tu as d’ailleurs le choix du restaurant. Le meilleur de Tianjin, bien sûr…
    Sans barguigner, le beau Chinois aux talents multiples l’avait emmené dans l’une des bonnes tables de la ville où ils s’étaient empiffrés de canard laqué à la pékinoise et de gâteaux à la fleur de lotus, le tout arrosé d’un excellent alcool de riz. A la fin du repas, Niggles était complètement gris et le chanteur d’opéra l’avait à son tour invité à terminer la soirée dans la minuscule chambre qu’il louait à la semaine dans un hôtel borgne.
    Et là, ce qui devait arriver s’était produit : le gibier s’était fait chasseur.
    Les choses avaient pourtant bien commencé.
    Garçon des Nuages avait fait passer à l’Anglais, lequel s’était contenté jusque-là des quelques caresses expédiées à la hâte par les travestis du bordel où il avait ses habitudes, de délicieux moments qu’il n’était pas près d’oublier. L’acteur avait laissé traîner sa longue natte juste là où il fallait, réveillant en un instant chez son partenaire ce qui ne demandait qu’à être sollicité de la sorte… Jamais depuis son arrivée en Chine, un an plus tôt, Jack n’avait eu l’occasion d’être emmené par un Han aussi loin sur le chemin du plaisir. Dans ce domaine comme sur scène, Garçon des Nuages était un redoutable expert. À l’issue de cette délicieuse séance d’exercices très particuliers, Jack, encore sur un nuage, lui avait demandé quel était le tarif de sa fantastique prestation.
    —  Je ne veux pas d’argent   !
    L’Anglais, qui avait sorti de sa poche une grosse ligature de liang d’argent, était estomaqué.
    —  Vraiment   ? avait-il insisté, à moitié incrédule.
    C’était la première fois qu’il voyait un Chinois faire preuve d’un tel détachement.
    —  J’ai besoin d’autre chose… s’était écrié, d’une voix dure, l’acteur dont le regard s’était figé.
    Il avait l’air d’un fauve en train de bander ses muscles, sur le point de sauter sur sa proie et d’y enfoncer ses dents acérées.
    —  Vas-y toujours…
    —  Seul un nez long comme toi peut me rendre un tel service… avait précisé Garçon, presque menaçant.
    Etait-ce une simple coïncidence   ? Il venait de sortir du tiroir de sa table de nuit un couteau effilé avec lequel il s’était mis à se curer les dents.
    —  Je t’écoute… avait bredouillé Niggles qui découvrait à sa grande surprise et non sans inquiétude que Garçon des Nuages ne l’avait pas emmené chez lui pour ses beaux yeux.
    Il s’était rapproché de Jack, si bien que celui-ci pouvait sentir le souffle brûlant de l’acteur sur ses épaules nues. Il se voyait déjà égorgé comme un pourceau lorsque le beau Chinois avait murmuré :
    —  J’ai besoin d’un document…
    —  De quel genre de document   ?
    —  Suis-moi et tu comprendras… avait déclaré l’acteur en ouvrant la porte de sa chambre.
    Niggles, de moins en moins rassuré, et dont la montre marquait déjà deux heures du matin, avait essayé de prendre le large.
    —  Il est très tard. Demain, je te promets, je reviendrai et tu me conduiras où tu souhaites.
    C’était peine perdue. Garçon des Nuages n’était pas près de le laisser filer.
    —  Viens avec moi   ! Il ne faut pas remettre au lendemain ce qu’il faut faire le jour même   ! lui avait répondu l’autre en barrant la porte de la chambre.
    Ensuite, de la pointe de son couteau, Garçon des Nuages avait poussé Jack dans le couloir désert et sombre de l’hôtel où le seul bruit perceptible était le ronflement des clients qui dormaient à poings fermés.
    Prendre ses jambes à son cou était rigoureusement impossible, tellement Garçon le serrait de près.
    D’un pas rapide, ils avaient marché dans Tianjin, longeant ses canaux encombrés par les péniches de transport, enjambant des montagnes d’ordures où grouillaient des milliers de rats venus tranquillement festoyer à cette heure tardive, contournant les postes de douane ouverts de jour comme de nuit, croisant des ombres furtives qui allaient d’un porche à l’autre et fouillaient les tas d’immondices après en avoir chassé les rongeurs à coups de bâton. La lune venait de se lever, faisant surgir des ténèbres les formes de la grande ville dont les rats et les pauvres se disputaient, la nuit venue, les restes. Contre les quais du port, les voiles

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